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Informations sur les Sciences de l'Entraînement Sportif

Pierre Samozino, Maître de Conférences des Universités

par Sci-Sport.com | 4 Décembre 2012

Pierre Samozino, recherche, université, universitaire, athlétisme, sprint, profil force-vitesse, puissance, neuro-musculaire, performance, STAPS, force, vitesse, accélération, interview

Bonjour Docteur Samozino, merci d'avoir accepté de répondre à nos questions. Pouvez-vous vous présenter ?

P. Samozino - Je m’appelle Pierre Samozino, je suis enseignant-chercheur à l’ Université de Savoie. Je donne des cours au Département S.T.A.P.S. où je suis aussi responsable de la première année du Master Ergonomie des Activités Physiques, Ingénierie et Conception de Produits. Concernant mes activités de recherche, je les effectue au sein du Laboratoire de Physiologie de l'Exercice sur des thématiques centrées sur les propriétés musculaires, que ce soit les membres supérieurs ou inférieurs et d’une manière plus générale sur la biomécanique de la course à pied. Je m’intéresse au sprint mais également à la course à pied de longue durée avec notamment le trail qui est une pratique qui se développe beaucoup, surtout dans notre région.

Quel a été votre parcours universitaire ?

P. Samozino - Après mon bac, j’ai fait une licence STAPS spécialité Entraînement sportif sur Nice. Après cette licence, je suis monté sur Chambéry pour faire un Master à l’Université de Savoie dans le but de travailler sur la conception de matériels sportifs. En fait, c’est le même master que je codirige actuellement. Le stage de recherche que j’ai réalisé lors de mon Master m’a fortement encouragé à approfondir dans ce domaine de la recherche. Et donc j’ai continué vers un doctorat à l’Université de Saint-Etienne sous la direction d’Alain Belli et en collaboration avec Jean-Benoit Morin. Après ce doctorat, j’ai travaillé presque 1 an dans le département de Recherche et Développement chez Salomon à Annecy. Avant de prendre mes fonctions en tant que de Maître des Conférences en septembre 2011.

17ème Congrès annuel de l' European College of Sport Science, Bruges, Belgique 2012

Figure 1. 17ème Congrès annuel de l' European College of Sport Science, Bruges, Belgique 2012.

Quelles étaient vos motivations pour vous orienter vers la recherche scientifique dans le domaine du sport ?

P. Samozino - J’ai toujours été attiré par le domaine du sport étant pratiquant de basket-ball moi-même. J’avais toujours eu comme objectif de travailler dans ce milieu, notamment dans l’industrie du sport et l’ingénierie du matériel. Je voulais concevoir des produits sportifs. Et en arrivant dans ce Master, j’ai rencontré la recherche ce qui m’a vraiment donné envie de faire un doctorat pour approfondir ces connaissances dans le domaine du corps humain pendant l’exercice physique.

Mon objectif était de mieux comprendre la performance et ses déterminants, notamment la performance neuromusculaire. C’est vraiment cela qui m’a intéressé à partir dans ce domaine de recherche. Avec toujours comme fil conducteur et comme arrière-pensée, les aspects du développement de matériels et le lien possible entre ces connaissances sur le corps humain et sur la pratique sportive et le lien avec la conception de matériels.

Qu’est-ce qui vous a poussé à quitter la R&D de Salomon pour un poste universitaire ?

P. Samozino - Cela n’a pas été un choix facile, car mon travail chez Salomon était très intéressant et très riche. Mais mon cœur de métier et ce que j’ai toujours voulu faire après mon Master, c’était travailler dans le domaine de la recherche, de pouvoir allier le fondamental et l’application, et c’est d’ailleurs ce que nous essayons de faire au quotidien à l’université. Dans le domaine privé, c’est un peu plus dur d’approfondir au niveau fondamental, car nous utilisons ce que trouvent nos collègues en fondamental et on le met en application. La possibilité de travailler un peu sur les deux plans m’intéressait beaucoup et c’était presque impossible à faire chez Salomon car le domaine privé est dirigé par d’autres aspirations.

C’est une autre façon de faire de la recherche. C’est tout de même une entreprise qui laisse aussi la place à une activité de recherche, pas uniquement en aval mais aussi en amont du produit. Donc c’était un bel endroit pour avoir cette expérience et c’était très enrichissant.

Mesure pour déterminer la distance de poussée

Figure 2. Mesure pour déterminer la distance de poussée. © Pierre Samozino

Vous êtes l'auteur principal d'une étude qui porte sur le lien entre les profils force-vitesse et la performance sportive. D’après vous, dans l’idéal et avec le matériel à disposition des entraîneurs actuellement, de quelle manière le concept de profil force-vitesse optimal est-il applicable sur le terrain ?

Voir notre article sur Influence du profil force-vitesse et de la puissance maximale sur la performance balistique...

P. Samozino - Actuellement, nous sommes très sollicités par des centres de formation (football, rugby, athlétisme, etc.). Nous utilisons une méthode publiée et validée en 2010 qui est relativement simple et qui permet d’évaluer les qualités musculaires lors de sauts verticaux. Nous arrivons ainsi à retrouver la puissance, la force et la vitesse. En multipliant les essais et les charges, nous arrivons à avoir ce profil force-vitesse. En une demi-heure, nous pouvons évaluer 4-5 sportifs avec cette méthode. Ainsi, grâce à la puissance maximale, le profil force-vitesse, nous avons instantanément pour chaque athlète, le profil optimal qui lui permettrait d’être encore meilleur. A partir de cela, nous pouvons dire où sont les déficits et nous communiquons des orientations d’entraînement aux préparateurs physiques.

Cette méthode nécessite de connaître la masse, la hauteur de poussée, c'est-à-dire la distance sur laquelle l’athlète effectue son déplacement avant de quitter le sol et la hauteur de saut, pour cela nous utilisons l’ Optojump ou le tapis de Bosco. Beaucoup de techniques sont possibles, mais plus elle est précise plus l’évaluation le sera. C’est une méthode qui est possible pour l’évaluation des membres supérieurs. Nous sommes d’ailleurs en train de valider cette méthode en développé couché avec Abderrahmane Rahmani.

Détermination du profil force-vitesse

Figure 3. Détermination du profil force-vitesse... © Pierre Samozino

lors de squat jump en utilisant l'Optojump

Figure 4. ...lors de squat jump en utilisant l'Optojump. © Pierre Samozino

Dans l’article, il est question de performance balistique, c'est-à-dire avec saut ou projection de barre, est-ce que ce concept de profil force-vitesse optimal est applicable dans des activités non balistiques mais où il y aurait une nécessité importante de la connaissance des profils, comme le ski alpin par exemple ?

P. Samozino - Le transfert est possible. Ce qu’il faut c’est que le modèle qui nous a permis de mettre en avant ce concept de profil force-vitesse optimal tienne compte des contraintes musculaires et des contraintes du mouvement. Par exemple en rugby, entre un pilier qui courra avec de grosses contraintes contre lui et un ailier qui pourra courir vite sans trop de contraintes, ils n’auront pas les mêmes profils optimaux. L’idée, ce serait de dire où se trouve le bon rapport force-vitesse selon les postes. Et même s’il n’y a pas de sauts, comme l’avancée dans une mêlée, il faudrait pouvoir quantifier les forces appliquées sur l’athlète pendant cette mêlée et l’incorporer dans notre modèle. Ainsi il serait possible de déterminer un profil force-vitesse optimal.

Quels sont vos projets actuels ?

P. Samozino - Nous continuons à travailler sur notre ligne actuelle, vers une meilleure compréhension des profils force-vitesse et de son influence sur la performance. Nous avons pas mal travaillé sur des mouvements explosifs simples, sur des sauts, sur des départs en sprint. Le but est de continuer à valider nos méthodes dans cet esprit. Actuellement, nous travaillons avec des collègues espagnols sur la validation de ce concept sur des mouvements de saut plus proches de la pratique sportive, comme les sauts avec contre-mouvement préparatoire (CMJ). Jusqu’à maintenant, nous étions partis de quelque chose de simple, et maintenant nous essayons de nous rapprocher de la pratique sportive. Et nous retrouvons exactement le même phénomène de profil force-vitesse et de profil force-vitesse optimal.

Ensuite, un autre objectif est de transférer tout cela au sprint. Est-ce qu’en sprint, nous pouvons évaluer ce profil force-vitesse et est-ce qu’il existe un bon compromis entre les qualités de force et de vitesse ? Et en parallèle de cela, nous voulons proposer des méthodes d’évaluation, car fournir de tels concepts, c’est bien, mais si derrière les professionnels de terrain n’ont pas à disposition des méthodes pour utiliser ces concepts, nous n’avons fait que la moitié du travail. Et donc, nous avons pour objectif d’essayer de trouver des moyens pour qu’il soit facile d’évaluer ces qualités de puissance et ces qualités de force-vitesse sur le terrain.

À moyen-terme, le but est d’approfondir ces mécanismes au niveau des déterminants musculaires, nerveux et morphologiques pour aller voir ce qui fait tant de différences chez les sportifs. Et grâce à cela, nous pourrions trouver des pistes qui permettraient de savoir comment entraîner ces qualités et vers où les orienter, pour combler des faiblesses ou renforcer des atouts. C’est donc un travail à la jonction avec celui des entraîneurs et des préparateurs physiques.

Video 1. Poussée horizontale © Pierre Samozino

Video 2. Poussée avec inclinaison © Pierre Samozino

Qu'est-ce qui vous passionne dans votre métier ? Et qu'appréciez-vous le moins ?

P. Samozino - Ce qui me passionne le plus, c’est cet aspect d’aller explorer, de mieux comprendre tout ce qui à trait à la motricité humaine et aux facteurs qui la déterminent dans le domaine du sport, mais aussi de la santé et de la rééducation. De plus, ce qui est passionnant c’est lorsqu’on arrive à mettre en application directement tout ce qu’on arrive à comprendre. C’est ce que nous essayons de faire avec nos recherches actuelles, en mettant en place des méthodes abordables et faciles à mettre en place sur le terrain. En proposant des concepts qui permettent de réorienter l’entraînement, la rééducation et des choses comme ça. Ou alors dans le domaine du matériel, le travail que l’on fait permet de développer un produit et de l’améliorer, cela permet de le valider d’un point de vue scientifique, et ça c’est assez sympa.

La partie enseignement est très intéressante également. Le fait de partager cette façon de travailler avec les étudiants et de leur donner les outils, les connaissances, les compétences qui leur permettent de pouvoir de leur coté mieux appréhender les domaines dans lesquels ils travailleront plus tard, que ce soit le privé ou la recherche publique. On s’enrichit aussi de ce transfert des connaissances.

Après les côtés qui me passionnent le moins, ce sont les recherches de financement. On s’aperçoit qu’on passe autant de temps voire plus à essayer de trouver des budgets et de l’argent pour faire le travail que de faire le travail. C’est pratiquement un boulot à part entière et cela nécessite des compétences et de l’expertise très spécifiques que nous n’avons pas tout le temps. C’est une partie obligatoire, mais la moins sympa dans le métier.

Quels sont vos conseils pour les étudiants qui souhaiteraient s'orienter vers le doctorat et la recherche universitaire ?

P. Samozino - J’ai beaucoup d’étudiants de Master qui se posent cette question du choix entre un doctorat ou partir dans le domaine privé. Je les encourage à faire un doctorat mais par contre il faut connaître tous les tenants et les aboutissants du doctorat et du métier. Il faut qu’ils soient passionnés par ce qu’ils font car cela demande un énorme travail pendant le doctorat et après. De plus, les métiers disponibles ensuite sont conditionnés par ce qui s’est fait pendant la thèse, l’intérêt qui a été porté à ses recherches, etc. Il faut être très autonome car même si on est bien encadré pendant la thèse, il y a une grosse partie de travail personnel, c’est un énorme investissement et il faut savoir se gérer de manière assez autonome sur toute la partie du doctorat. Je les mets en garde également, car c’est quelque chose à ne pas prendre à la légère et il faut être conscient de la réalité après-doctorat.

Quelle est votre conception de la relation entre recherche universitaire et sport de haut-niveau ? Comment votre travail est-il perçu par les athlètes et les entraîneurs ?

Détermination du profil force-vitesse.

Figure 5. Détermination du profil force-vitesse. © Pierre Samozino

P. Samozino - C’est un lien qui n’est pas toujours évident. J’ai l’impression que ce sont deux mondes très différents mais qui tendent de plus en plus à se mettre en commun et c’est plutôt bon signe. En fait cela nécessite une grande confiance de chaque corps de métier pour l’autre afin de travailler en collaboration. Et souvent, il y a une méconnaissance de l’autre, de ce qu’il peut apporter. A la fois de la part des chercheurs qui peuvent parfois sous-estimer ce que peuvent apporter les entraîneurs avec leur connaissance de la pratique et du terrain. Mais aussi de la part des entraîneurs qui ne doivent pas stigmatiser toujours le chercheur comme quelqu’un qui se fait plaisir dans son coin devant son ordinateur, mais plutôt comme quelqu’un qui peut apporter de bonnes choses.

Je pense qu’il y a un effort à faire et cela demande du temps. C’est un investissement mais au bout du compte les deux cotés seront gagnants. Et avec le peu de recul que j’ai, j’ai l’impression que cela tend à s’améliorer de plus en plus. Peut-être aussi parce que dans le domaine de l’entraînement, il y a de plus en plus de personnes qui ont été sensibilisées un jour ou l’autre à la recherche et peut-être aussi par les chercheurs qui sont des pratiquants et qui sont souvent passés par les milieux fédéraux. Tout cela permet un travail en collaboration qui est beaucoup plus fructueux.

Je pense que les choses bougent, nous avons eu dernièrement pas mal de preuves par rapport à cela avec les sprinteurs d’Aix-les-Bains (ndlr, voir l'interview de J.B. Morin). Il y a eu pas mal de liens, je pense que des deux côtés, nous y avons trouvé beaucoup d’intérêts. Autant nous, car cela nous a permis d’accéder à des athlètes de haut-niveau et autant eux car nous leur avons donné des informations importantes pour l’entraînement.

Merci encore Docteur Samozino d’avoir accepté de répondre à nos questions !

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Contact

Docteur Pierre Samozino
Laboratoire de Physiologie de l'Exercice (EA 4338)
Université de Savoie
Bâtiment Beaufortain, site scientifique Technolac
73376 Le Bourget du Lac
Pierre Samozino

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