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Alexandre Ghibaudo, Préparateur Physique

par Sci-Sport.com | 10 Septembre 2013

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Bonjour Alexandre, merci d'avoir accepté de répondre à nos questions. Peux-tu te présenter ?

A. Ghibaudo - Je suis préparateur physique, j’ai 24 ans. J’ai commencé mon parcours sportif avec le judo que j’ai pratiqué dès mon plus jeune âge pendant 3 ans. Ensuite je me suis tourné vers le football où j’ai eu un niveau régional pendant une dizaine d’années. Puis je suis passé à l’athlétisme sur des efforts longs tels que le semi-marathon, le 10 000m en cadet junior. J’ai un record à 37 minutes au 10 000m. Ensuite, j’ai fait un peu de sprints et j’ai pratiqué un peu de boxe française. J’ai un parcours sportif qui est très diversifié à la fois en sports collectifs et en sports individuels. Je suis également membre du comité de rédaction de Vestiaires, magazine spécialisé à destination des éducateurs de football. Ainsi j'écris des articles en lien avec la préparation physique pour ce magazine mensuel.

Quel a été ton parcours universitaire ?

A. Ghibaudo - Vers 16 ans, je me suis rendu compte que je ne ferai pas une grande carrière sportive, donc je me suis intéressé très rapidement à l’entraînement des jeunes, notamment en football. Je suis devenu entraîneur adjoint pour diverses équipes de jeunes en football à 11. En parallèle, j’ai commencé à passer des diplômes fédéraux dans le football pour les moins de 18 ans. Puis à 18 ans, je suis devenu responsable d’une équipe de football à 11. J’ai continué à passer mes diplômes et je suis devenu responsable technique d’un club. J’étais chargé de former les éducateurs, de les aider, de coordonner l’ensemble des éducateurs du club.

Séance d'appuis sur échelle de rythme avec Mickael Campeggia, joueur du CSBJ Rugby en TOP 14 saison 2010-2011

Figure 1. Séance d'appuis sur échelle de rythme avec Mickael Campeggia... (Cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Tous ces diplômes, jusqu’à l’obtention du brevet d’état niveau 1 en Football, m’ont permis de commencer une activité avec le district de football de l’Isère pour lequel j’ai travaillé sur les centres de perfectionnement technique, c'est-à-dire déceler dans les clubs, les joueurs qui pourraient faire partie de l’équipe de l’Isère. Les meilleurs d’entre eux partaient ensuite vers l’équipe régionale Rhône-Alpes qui rencontrait d’autres équipes. Et les meilleurs partaient à Clairefontaine pour intégrer les équipes de France. Une de mes missions était donc de déceler les futurs potentiels au niveau départemental.

J’ai également travaillé en tant qu’éducateur pour des stages d’été pour l’Olympique Lyonnais de football. Puis arrivé en Master, j’ai vu que je ne pourrais pas être entraîneur et préparateur physique à la fois puisque mes horaires ne le permettaient pas. J’ai donc décidé de mettre mon activité "Entraîneur" en retrait car elle m’apporterait peut-être moins d’opportunités professionnelles. Et je me suis dirigé vers la préparation physique. J’ai commencé pendant 2 années avec le CSBJ Rugby qui évoluait dans le TOP 14 puis en Pro D2. J’étais adjoint d’un préparateur physique, je gérais la partie course. Et l’année dernière, le club a déposé le bilan, étant le plus jeune au club, mon contrat n’a pas été renouvelé. Il a donc fallu que je retrouve rapidement quelque chose. Et j’ai eu un contact avec l’ASUL Lyon Volley-Ball qui évoluait en Ligue B et avec le CSBJ Athlétisme qui a une équipe en N1B (le club fait partie des 40 meilleurs clubs au niveau national). Et j’ai combiné ces deux activités pour continuer à travailler à plein temps dans la préparation physique. L’ASUL Volley-Ball est monté en Ligue A (i.e., le plus haut niveau français) cette année, et je continue à travailler avec eux.

Au niveau universitaire, j’ai obtenu une Licence Entraînement Sportif à Lyon et un Master 2 en Préparation Physique, Mentale et Réathlétisation à Lyon également en 2011.

Quelles étaient tes motivations pour t'orienter vers la préparation physique de haut-niveau ?

A. Ghibaudo - Au départ, mes motivations s’orientaient vers le poste d’entraîneur. Mais comme je l’ai dit, très vite, je me suis rendu compte que le métier d’entraîneur, notamment en Football, puisque c’était ma spécialité, était assez bouché. Les clubs qui ont les moyens de professionnaliser un entraîneur recrutent en priorité d’anciens joueurs pro pour les postes d’entraineurs. Et puis au travers d’un stage, j’ai rencontré un préparateur physique et j’ai accroché sur le métier par rapport au fait que la préparation physique implique une plus grande nécessité de recherches scientifiques, une réflexion plus grande sur l’anatomie et la physiologie. Il y a un plus grand travail, peut-être plus fin, alors que pour le métier d’entraîneur, on sera plus sur du management, de la sélection de personnes. Evidemment, il y aussi le rapport que le préparateur physique peut avoir avec les joueurs. Titulaires ou remplaçants, au niveau du travail, je ne fais aucune différence, ce qu’un entraîneur ne fait peut-être pas. Donc c’est assez différent de ce point de vue et c’est ce que je trouvais intéressant.

Avec quelle(s) discipline(s) sportive(s) travailles-tu en ce moment ? A quel niveau ?

A. Ghibaudo - L’année dernière, je travaillais donc avec le volley-ball et l’athlétisme, mais cette année, c’est essentiellement le volley-ball. Sachant que j’ai encore un peu de temps et que je prospecte auprès de différentes structures pour intégrer un travail avec du rugby ou de l’athlétisme. Mais cela dépend de mes responsabilités avec l’ASUL Volley-Ball, puisque je m’occupe de l’équipe PRO et du centre de formation, et un peu au niveau des jeunes.

Groupe ASUL Volley-Ball

Figure 2. Groupe ASUL Lyon Volley-Ball.

Avant ton arrivée, est-ce que l’ASUL Lyon Volley-Ball avait déjà une préparation physique mise en place ?

A. Ghibaudo - Non, c’était l’entraîneur qui faisait la préparation physique en plus de ses entraînements. Et cela n’avait pas très bien fonctionné, puisque le club était redescendu d’un niveau. J’ai donc été contacté pour intervenir chez eux.

Comment as-tu abordé cette préparation physique avec des joueurs qui finalement n’avaient pas connus de préparation spécifique avant ton arrivée ?

A. Ghibaudo - Cela a été quelque chose de très nouveau pour eux mais également pour moi. Car je sortais de deux années avec des rugbymen qui ont un « cursus » préparation physique très important depuis leur plus jeune âge et qui ont des bases solides. En volley-ball, les bases sont moins importantes. La musculation dépend beaucoup des clubs et des moyens mis à disposition. Même en Ligue A, tous les clubs ne peuvent pas se permettre d’avoir un préparateur physique.

Il a donc fallu que je regarde quels joueurs avaient déjà pratiqué et ceux qui avaient du retard, que je fasse mon analyse de la tâche Volley-Ball pour que je puisse voir en quoi cela consistait réellement. C’est un sport très particulier au niveau de l’effort physique, il n’y a pas de courses comme dans les autres sports collectifs. C’est donc essentiellement un travail de sauts et de musculation des membres inférieurs.

Je me suis donc adapté en commençant avec des charges de travail qui étaient beaucoup moins importantes que ce que je pouvais faire avec d’autres sportifs. Par exemple, pour un travail classique en 6 séries avec des rugbymen, je n’en faisais que 4 avec les volleyeurs pour les habituer progressivement.

Séance lactique avec Elvis Seveali'i, joueur du CSBJ Rugby en PRO D2 saison 2011-2012.

Figure 3. Séance lactique avec Elvis Seveali'i... (Cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Séance de musculation avec Arnold Tchougong, joueur du CSBJ Rugby en TOP 14 saison 2010-2011

Figure 4. Séance de musculation avec Arnold Tchougong... (Cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Circuit cardio en salle

Figure 5. Circuit cardio en salle... (Cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Comment cela se passe-t-il au niveau des joueurs puisque plusieurs d’entre eux sont nationalités étrangères ? Possèdent-ils une approche différente de la préparation physique ?

A. Ghibaudo - Cela dépend des nationalités. J’ai eu deux écossais qui étaient dans l’équipe de Grande-Bretagne aux derniers Jeux Olympiques. Eux sont très friands d’haltérophilie. Donc, ils venaient avec des bases très bonnes dans cette discipline mais moins bonnes sur des mouvements plus analytiques. Il y a des Bulgares qui ont des méthodes de travail bien à eux, ils connaissent leur charge de travail, etc. Ensuite, il y a les français qui découvraient la préparation physique spécifique. Donc il faut s’adapter à ces disparités puisque les joueurs font partie d’un même groupe malgré leur niveau différent. En pratique, cela se traduit par proposer des exercices différents pour compenser les déficits de chacun.

Quels ont été tes objectifs pour la préparation physique de cette équipe ?

A. Ghibaudo - Et bien tout d’abord, l’objectif a été de faire un travail de prévention. Puisque lorsque j’ai fait mon analyse de l’activité, je suis allé voir Claude Jacquemoud qui est l’ancien préparateur physique de l’équipe de France de Volley-Ball, et qui m’a renseigné sur l’activité et ce qu’il était possible de faire.

Très rapidement, j’ai compris qu’il fallait mettre en place un travail de prévention puisque le volley-ball nécessite beaucoup de sauts que ce soit à l’entraînement ou en match. Donc il y a énormément de problèmes au niveau du dos, des genoux, des chevilles. Et également, beaucoup de problèmes au niveau des épaules. Et bien que le sport soit sans contacts entre les joueurs, la répétition des sauts traumatise le corps au niveau musculaire et articulaire. Il a fallu faire un gros travail de renforcement musculaire à but préventif en début de saison pour ensuite passer par un travail de développement de la force orientée vitesse. L’objectif était que les athlètes sautent haut et tapent fort dans la balle.

Echauffement des remplaçants dans les zones d'en-but lors d'un match.

Figure 6. Echauffement des remplaçants... (Cliquez sur l'image pour le télécharger)

En pratique, comment procédais-tu avec tes joueurs ?

A. Ghibaudo - Je disais aux joueurs de venir avant pour s’échauffer individuellement en leur présentant une dizaine d’exercices par groupe musculaire ou par articulation avec le matériel à disposition. Je les responsabilisais par rapport à cela, en fonction du travail de la séance, je leur indiquais quels groupes musculaires échauffer et travailler musculairement avant de commencer. Et je m’adapte également en fonction de chaque joueur et de son vécu (i.e., médical, sportif, etc.). Le volleyeur est quelqu’un qui a besoin de justifications sur le travail que vous mettez en place. C’est vraiment intéressant car il va demander pourquoi le travail de telle séance est ainsi, quel est l’objectif, etc.

J’ai voulu essayer de contrôler le nombre de sauts par séance, ce que l’entraîneur ne pouvait pas faire avant. Le fait que je sois là, lui a apporté un regard extérieur. On s’est donc questionné sur la charge de travail en termes de sauts par rapport à leur état de forme. Et donc le matin, quand les joueurs arrivent à l’entraînement, ils ont une grille à remplir avec des items notés de 1 à 5, sur la fatigue, la qualité du sommeil, l’hydratation, les douleurs articulaires. Cela me permet de savoir où en sont les joueurs.

Et après chaque exercice ou séance technico-tactique, nous avons mis en place également un RPE avec une note. Cela me permet de suivre l’indice de fatigue et de récupération des joueurs au fil des semaines, et donc de pouvoir corréler ces points avec le volume de sauts réalisés. Tout cela dans le but d’éviter les blessures sur le long-terme.

Qu'est-ce qui te passionne dans ton métier ? Et qu'apprécies-tu le moins ?

A. Ghibaudo - Ce qui me passionne le plus dans mon métier, c’est certainement la diversité des sports avec lesquels j’ai travaillé. Cela nous pousse à faire une analyse de la tâche, à rechercher dans les travaux scientifiques, à chercher de nouveaux exercices. En passant du rugby au volley-ball, j’ai essayé de voir ce que je pourrais retranscrire comme exercices. C’est une adaptation permanente. Ce que j’aime également c’est d’essayer de minimiser les contre-performances, malgré la complexité du corps humain, malgré le fait qu’en sport collectif, la relation des joueurs dans le groupe n’est pas maîtrisée par le préparateur physique. Et puis le retour des joueurs qui ont réussi fait très plaisir. La victoire du groupe, c’est aussi notre victoire. J’ai aimé travailler avec des entraîneurs très différents. Les différences au sein des staffs dans lesquels j’ai travaillé apportent beaucoup d’expériences.

Ce que j’apprécie le moins, c’est peut-être la diversité des diplômes qui sont proposés entre les Masters universitaires, les diplômes universitaires, les brevets professionnels, et les diplômes fédéraux. Chacun crée son diplôme de préparateur physique et sur des entretiens, des personnes qui ont fait 5 années de formation se retrouvent en concurrence avec des personnes qui ont obtenues leur diplôme sur quelques mois. Au final, des gens sortent très rapidement avec un diplôme et aujourd’hui, on a des préparateurs physiques qui se rapprochent plus des coachs, qui suivent des modèles préétablis sans se soucier de tout l’aspect physiologique, recherche scientifique, etc. Je trouve que cela est mal organisé, et cela peut causer un petit trouble pour les personnes extérieures à ce milieu.

Quels sont tes conseils pour les étudiants qui souhaiteraient s'orienter vers la préparation physique ?

A. Ghibaudo - Je pense qu’il faut déjà se mettre à l’anglais, c’est très important, au moins pouvoir le lire. Mais au cours de leur futur métier, ils seront amenés à travailler avec des personnes étrangères, il faut donc le parler également. Il est important car les études scientifiques sont toutes en anglais.

Il faut essayer de pratiquer les sports avec lesquels on travaille. Cela permet d’avoir une idée des efforts que l’on demande à ses sportifs. Il faut s’intéresser à tout ce qui fait par les entraîneurs et préparateurs de haut-niveau. Il faut également participer à des congrès, des colloques, dans des réunions d’entraîneur. Il faut rencontrer les professionnels de terrain proches de chez soi. L’échange est primordial.

Quelle est ta conception de la relation entre recherche scientifique et le sport performance / de haut-niveau ?

A. Ghibaudo - Pour moi, elle est très importante. Le préparateur physique qui est sur le terrain doit être quelqu’un qui est chercheur lui-même quelque part, qui va s’interroger, qui va aller lire dans les revues scientifiques. Mais il doit être en collaboration avec les corps scientifiques les plus proches, l’université, les UFR STAPS notamment, pour pouvoir dialoguer avec eux et savoir quelles sont les avancées scientifiques du moment par rapport au sport dans lequel il travaille. Après, il faut savoir faire la part des choses entre un article que l’on peut lire et la réalité du terrain qui est très différente. L’approche scientifique doit être présente pour soutenir et valider un choix du préparateur physique par contre, la science ne doit pas dicter au préparateur physique la ligne de conduite qu’il doit suivre à l’entraînement. C’est à lui de faire en fonction de ses choix, de ce qu’il pense être bon pour ses joueurs et de ses motivations.

Merci Alexandre d’avoir accepté de répondre à nos questions !

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