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Informations sur les Sciences de l'Entraînement Sportif

Abderrahmane Rahmani, Professeur des Universités

par Sci-Sport.com | 21 Février 2012

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Bonjour Pr. Rahmani, merci d'avoir accepté de répondre à nos questions. Pouvez-vous vous présenter ?

A. Rahmani - Bonjour, je m’appelle Abdel Rahmani, j’ai 39 ans, et suis Professeur des Universités au Département STAPS de l’ UFR Sciences et Techniques de l’Université du Maine. Je suis également directeur adjoint du Laboratoire Motricité, Interactions, Performance, E.A. 4334 bi site Nantes-Le Mans dont la thématique de recherche est centrée sur l’"Analyse et optimisation de la Performance".

Les activités du laboratoire sont organisées autour d’un programme scientifique pluridisciplinaire : un axe physiologie-biomécanique qui traite de l’adaptation de la fonction neuromusculaire et un axe psychologie qui s’intéresse à la dynamique des adaptations psychologiques humaines.

Mes recherches sont organisées autour de trois thématiques :

  1. La modélisation mécanique du mouvement humain au cours de mouvements mono et pluri-articulaires
  2. Les facteurs mécaniques de la performance sportive
  3. Les facteurs mécaniques de la performance motrice chez les personnes fragilisées

Quel a été votre parcours universitaire ?

Figure 1. Expérimentation sur la performance sportive.

A. Rahmani - J’ai obtenu un DEA de Biologie de l’Exercice en 1995 sous la direction du Professeur Jean-René Lacour au sein du Laboratoire de Physiologie de l’Exercice à l’Hôpital Lyon Sud. J’ai ensuite poursuivi au sein de ce laboratoire par une thèse de doctorat en Biologie Humaine sur la « Mesure de la force musculaire à partir de l’accélération appliquée à une charge. Relation Force-Vitesse dans des conditions balistiques ». J’ai par la suite soutenu mon habilitation à diriger des Recherches autour des «Facteurs mécaniques de la performance motrice : modélisations et applications dans le cadre de l’évaluation sportive et clinique » sous la direction de feu le Professeur Jean-Pierre Mariot à l’Université du Maine.

Quelles étaient vos motivations pour vous orienter vers la recherche scientifique dans le domaine du sport ?

A. Rahmani - Principalement d’allier deux domaines qui m’intéressaient : les sciences et le sport. Je pratique le judo depuis plus de trente ans, j’ai envisagé un temps faire des études en STAPS, mais à l’époque il y avait un concours d’entrée et mes aptitudes à la natation ne permettaient pas d’envisager sereinement des études en STAPS. Je me suis donc orienté vers le domaine biomédical. Dans ce cadre, un module d’enseignement portait sur l’évaluation énergétique des patients et des sportifs. Ceci m’a permis d’envisager de continuer mes études dans ce domaine, et j’ai ainsi pu me réorienter dans une direction professionnelle autour du sport. Mon travail de thèse m’a conforté dans ce choix. Mes motivations sont principalement de comprendre comment optimiser la performance, qu’il s’agisse d’une performance sportive ou de la réussite d’un geste moteur dans une population fragilisée.

Quel(s) est(sont) votre(vos) principal(aux) domaine(s) de recherche actuel(s) ?

A. Rahmani - En ce moment nous travaillons principalement dans le domaine des activités physiques adaptées. Depuis une dizaine d’année, nos travaux au Mans sont orientés sur la prise en charge des patients lombalgiques, l’évaluation du renforcement musculaire proposé à ces personnes à partir de différentes mesures isocinétiques afin de quantifier la production de force des muscles du tronc et des membres inférieurs et analyser les possibles déséquilibres engendrés chez les patients lombalgiques. L’objectif est de relier l’amélioration des capacités physiques évaluées à partir de mesures isocinétiques, isométriques, ou autres avec des échelles de perception de la douleur par exemple et le ressenti des patients au bout de 5 semaines de prise en charge.

Nous nous intéressons également à la prise en charge des personnes âgées dans un but de prévention des chutes. L’idée est de proposer des évaluations des capacités physiques chez les personnes âgées et de repérer à partir d’un test "Up and go" chronométré (N.D.L.R., Se lever d'une chaise et partir), les personnes présentant de forts risques de chute, de leur proposer une prise en charge adaptée et de voir si cette dernière peut avoir une influence sur le risque de chute.

Figure 2. Évaluation isocinétique des fléchisseurs du bassin.

Concernant les patients lombalgiques, comment sont-ils pris en charge ? Avez-vous mis au point un programme spécifique de renforcement musculaire ? Si oui, quelles en sont les principales lignes directrices ?

A. Rahmani - Les patients lombalgiques pris en charge dans le Centre de rééducation fonctionnelle avec lequel nous collaborons, le Centre de l’Arche (situé à proximité de l’Université), sont inclus dans un programme de Restauration Fonctionnelle du Rachis (RFR). Nous n’avons pas mis en place de programme spécifique puisque l’organisation de cette prise en charge fait partie du protocole LOMBACTION. Les patients lombalgiques sont pris en charge pendant 5 semaines avec des activités de kinésithérapie et d’ergothérapie le matin, et du renforcement musculaire et de la balnéothérapie l'après midi à raison de 1h30 par activité 5 jours /semaine. Les charges de travail doivent à priori être individualisées.

Notre travail consiste à mettre en place des protocoles d’évaluation des muscles du tronc et des membres inférieurs dans des conditions isocinétiques (Fig. 2 et 3). L’idée est de déterminer des relations force-vitesse et puissance-vitesse afin d’extraire les paramètres musculaires classiques (force maximale, vitesse de contraction à vide et puissance maximale) qui devraientt permettre de personnaliser encore plus les charges de travail en musculation et pourquoi pas d’intégrer un travail de renforcement musculaire en mode isocinétique, ce qui n’est actuellement pas le cas. Dans le travail de thèse d’Alexandra Lemaire, professeur d’Activités Physiques Adapatées au centre de l’Arche, nous souhaitons également étudier l’impact d’une prise en charge en balnéothérapie par rapport à la prise en charge classique décrite ci-avant.

En vous basant sur vos travaux, quelle est la cause principale des lombalgies que vous avez pues observer ?

A. Rahmani - Notre travail n’a pas pour but de trouver une cause principale, d’ailleurs les douleurs lombaires ont diverses origines. La lombalgie est définie par une symptomatologie fonctionnelle sans caractéristique physique objective. Elle est décrite comme une souffrance du carrefour lombo-pelvien. La lombalgie, lorsqu’elle devient chronique prend un caractère plurifactoriel, dans lequel on peut distinguer plusieurs facteurs psychologiques, physiques, social, professionnel, adaptatif. Ce type de pathologie nécessite donc une prise en charge globale, prenant en compte tous ces caractères.

Dans le travail de thèse de Mickael Ripamonti, soutenue en juin 2010, nous avons tout de même ressorti une hypothèse intéressante. En comparant les paramètres mécaniques des muscles du tronc de patients lombalgiques et d’une population contrôle, nous avons établi que le seul paramètre significativement différent entre les deux populations pour les deux groupes musculaires était la puissance maximale. Ainsi, les patients lombalgiques présentaient des moments maximaux significativement inférieurs pour les muscles du dos, en accord avec la littérature et la pathologie, alors que la vitesse de contraction de ces muscles ne présentaient aucune différence significative entre les deux populations. En ce qui concerne, les muscles fléchisseurs du tronc (la sangle abdominale), les deux populations ne montraient aucune différence significative au niveau des moments maximaux, s’expliquant par une compensation par ces muscles chez les patients lombalgiques leur permettant de maintenir un niveau d’activation identique à celle de la population contrôle. Par contre, la vitesse de contraction maximale des muscles abdominaux était significativement inférieure pour les patients lombalgiques.

Ces résultats nous permettent de supposer que ces deux groupes musculaires, actuellement ré-entrainés en force doivent être pris en charge de manière différente. Si les muscles extenseurs du tronc doivent suivre un programme de renforcement orienté sur la force, les muscles fléchisseurs doivent plutôt être orientés sur une renforcement en vitesse. Nous espérons pouvoir vérifier cette hypothèse lors de futurs travaux.

De nombreuses recherches montrent qu'un travail en musculation de la puissance et/ou de la force peut être bénéfique chez les personnes âgées pour des actions de la vie courante, cependant cela concerne les personnes qui peuvent pratiquer une activité physique. Comment abordez-vous ce problème avec des patients qui présentent des risques de chute plus importants ?

A. Rahmani - Effectivement, de nombreuses études ont montré qu’avec l’âge la vitesse de contraction ainsi que la force diminuaient. Certaines études montrent également que le déclin de puissance, produit de la force et de la vitesse, est supérieur au déclin de force.

Nous nous sommes intéressés à cette diminution de puissance pour voir si elle correspondait à une diminution de force et/ou de vitesse. Nous avons donc demandé à une quarantaine de dames âgées de 72 à 96 ans de réaliser une série d’extensions mono-articulaires des membres inférieurs à partir desquelles nous déterminions la puissance maximale, la vitesse optimale et la force optimale des muscles extenseurs des genoux. Des performances motrices liées à des activités quotidiennes (se lever 5 fois d’une chaise, le temps mis pour monter 6 marches d’escaliers et la vitesse mise pour parcourir 6 mètres) étaient également enregistrées. Nous avons, dans un premier temps, montré que la puissance maximale des membres inférieurs était liée à la vitesse optimale de contraction alors qu’elle n’était pas liée à la force des personnes. De plus, nous avons observé des relations entre, la puissance, la vitesse et les différentes performances motrices, alors que la force des quadriceps n’était liée à aucune performance motrice.

Cette étude nous a permis de conclure que le déclin des capacités physiques, qui entraîne une diminution de la puissance musculaire, est plutôt relié à une diminution de la vitesse de contraction. Les activités physiques proposées à cette catégorie de population doivent donc être orientées vers des activités physiques de vitesse et non de force. Là encore, cette hypothèse mérite d’être vérifiée et nous nous proposons de le faire avec le travail de thèse de Frédéric Chorin, financée par une bourse ministérielle pour réaliser son doctorat.

Finalement, la principale idée est de rester en activité tout simplement. Il faut donc inciter les personnes à ne pas se laisser aller à la sédentarité ; continuer à marcher pour diminuer le risque de chute et apprendre à « garder » son équilibre. Si les personnes ne font plus rien pour se "protéger" de la chute, le risque de chute ne fera qu’augmenter.

Figure 3. Appareil utilisé pour l'étude des lombalgies.

D'après vous, la sensibilisation à ces problèmes que nous rencontrerons peut-être tous un jour est-elle suffisante ?

A. Rahmani - On peut toujours faire plus, mais le message passera-t-il mieux ? Les expérimentations que Frédéric Chorin met en place attirent principalement les personnes ne présentant pas de risque de chute. Cela nous permettra tout de même de retirer, nous l’espérons, de nouveaux paramètres mécaniques (raideur musculaire, puissance des membres inférieurs, endurance des membres inférieurs, force produite au cours des levers de chaises) en lien avec le risque de chute. Mais les personnes les plus touchées ne veulent pas se sentir concernées, elles se « voilent la face », ont « peur qu’on leur trouve une maladie » (ce qu’évidemment nous sommes incapables de faire à partir de nos expérimentations).

Qu'est-ce qui vous passionne dans votre métier ? Et qu'appréciez-vous le moins ?

A. Rahmani - Ce qui m’intéresse c’est la notion de perpétuel apprentissage, d’aller comprendre comment tel ou tel paramètre peut avoir une influence sur la performance au sens large encore une fois. Le contact avec les personnes acceptant de participer aux différentes expérimentations, de mêler la science à la pratique sportive, et de pouvoir faire le lien avec l’enseignement. Il n’y a de prime abord rien que je n’apprécie pas dans ce métier d’enseignant-chercheur, si ce n’est l’impression d’être toujours en train de réfléchir, sans pouvoir se poser réellement, même si il est important de trouver le temps de souffler.

Quels sont vos conseils pour les étudiants qui souhaiteraient s'orienter vers le doctorat et la recherche universitaire ?

A. Rahmani - De prendre en considération le temps nécessaire pour se former personnellement, de lire et de bien comprendre que la recherche nécessite quelques sacrifices personnels notamment pendant les années de doctorat. Il est difficile de mener une carrière sportive et une thèse en parallèle. Toujours trouver un objectif pour continuer à rester « passionné »,et tenter d’éviter de se laisser vivre.

Quelle est votre conception de la relation entre recherche universitaire et sport de haut-niveau ?

A. Rahmani - Les deux font la paire. Les chercheurs ont, à mon avis, besoin d’écouter les besoins et envies des acteurs du monde sportif, de vulgariser leur langage pour que les acteurs du monde sportif comprennent que nous voulons travailler avec eux et non contre eux.

Merci encore Professeur Rahmani !

Contact

Professeur Abdel Rahmani
Laboratoire "Motricité, Interactions, Performance" (EA 4334)
UFR STAPS
25 bis, Bd. Guy Mollet
BP 72206
44 322 Nantes Cédex 3
www.mip.univ-nantes.fr
Abdel Rahmani

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