Ce n'est pas faute de le répéter régulièrement dans nos articles, la musculation offre de larges bénéfices pour la santé, la performance sportive et bien sûr, l'esthétique corporelle. Les gains en force et en masse musculaire sont d'ailleurs les objectifs de la plupart des pratiquants. L'hypertrophie musculaire est dépendante de nombreuses variables d'entraînement. Si le volume total (séries x répétitions x charge) auquel un muscle est soumis est l'une des variables les plus importantes pour les gains en masse musculaire, de nombreuses autres sont à considérer. Parmi celles-ci, le choix des exercices est particulièrement important. Différents exercices associés au recrutement d'un muscle peuvent cibler des régions particulières de ce muscle. De plus, parmi ces exercices, certains peuvent être plus efficaces que d'autres pour un recrutement musculaire optimal. Le processus de sélection des exercices lors de la conception d'un programme d'entraînement est donc primordial, car ils influenceront considérablement les adaptations hypertrophiques.
Si une compréhension poussée de l'anatomie et de la biomécanique est essentielle pour formuler des hypothèses sur l'efficacité des exercices, elle ne fournit malheureusement pas toujours des réponses définitives, en particulier en ce qui concerne l'hypertrophie musculaire. C'est principalement dû au manque d'informations anatomiques sur le muscle vivant ET en mouvement. Les modèles de simulation numérique musculaire bien que de plus en plus précis ne permettent pas non plus de deviner le potentiel hypertrophique des exercices à long-terme. La même chose est observée lorsque l'on considère les limites d'outils tels que l'électromyographie (EMG). L'EMG, utilisé pour évaluer l'activation des muscles pendant l'exercice, donne des indications précieuses, mais ne peut pas rendre compte de la complexité de la croissance musculaire. Il peut indiquer quels muscles sont engagés pendant un exercice, mais n'est pas nécessairement en corrélation directe avec l'hypertrophie. Cette limitation devient plus prononcée lorsque l'on compare des variantes d'exercices, où des différences subtiles dans le mouvement peuvent conduire à des résultats significativement différents dans le développement musculaire.
Figure 1. Les 3 chefs du triceps brachial.
Il faut noter également que de nombreuses variantes d'exercices ne sont pas étudiées ce qui rend leur utilisation hasardeuse car il n'est pas possible de deviner si une variante permettra d'obtenir de meilleurs résultats, à moins de prendre le temps de la tester et de, peut-être, perdre son temps… C'est le cas avec la position des avants-bras dans les extensions à la poulie haute, et son impact sur le recrutement du triceps brachial. Le triceps brachial est un muscle du bras composé de 3 régions : la portion longue qui est bi-articulaire et les vastes médial et latéral qui sont mono-articulaires. Ces 3 chefs s'insèrent tous sur l'ulna, au niveau de l'olécrane et agissent donc comme les principaux extenseurs du coude. La plupart du temps, l'exercice d'extension du coude à la poulie haute se fait avec une prise en pronation. Pourtant, certains pratiquants utilisent une prise en supination. Sachant que le mouvement de l'avant-bras en pronation/supination implique principalement le pivotement du radius, et que l'ulna ne change pas de position, est-ce qu'il aura un impact sur le développement du triceps brachial et de ses chefs ?
Pour tenter d'apporter une réponse à cette question, des chercheurs brésiliens ont comparé les effets de l'extension unilatérale à la poulie haute avec l'avant-bras en position supination et en pronation sur le recrutement du vaste latéral, de la longue portion du triceps et de deux muscles de l'avant-bras, le fléchisseur radial et l'extenseur radial du carpe.
Pour cela, ils ont recruté 22 personnes (11 femmes et 11 hommes) âgées entre 18 et 35 ans, avec ou sans expérience dans l'entraînement de musculation (13 personnes avaient plus de 6 mois d'entraînement). Chaque personne a réalisé l'exercice Triceps Push-Down (extension verticale à la poulie haute) de manière unilatérale, selon 4 conditions : pronation avec poignée, supination avec poignée, pronation avec sangle fixée au niveau de l'avant-bras et supination avec sangle fixée au niveau de l'avant-bras. Dans chaque condition, les participants réalisaient une série avec un nombre maximal de répétitions avec la même charge absolue correspondante à 80% du 1RM dans la position en supination avec poignée.
En position de départ (début de phase concentrique), le coude était plié à 90°. Et le mouvement prenait fin lorsque le coude était en pleine extension (0°). Pour chaque condition, les chercheurs ont analysé l'activité des 4 muscles via électromyographie (EMG).
Les principaux résultats de cette étude montrent qu'avec une charge absolue identique, le recrutement du vaste latéral et de la longue portion du triceps brachial est plus important dans le cas de l'avant-bras en supination avec poignée. La pronation avec poignée entraîne une activité EMG plus élevée pour le fléchisseur radial du carpe, par rapport aux autres conditions d'exercice. La supination avec poignée entraîne une activité EMG plus élevée pour le muscle extenseur radial du carpe. Enfin, les participants ont effectué le moins de répétitions en supination avec poignée, et le plus de répétitions en pronation avec sangle.
Une explication possible de ce résultat est une réduction du bras de levier externe en pronation. Dans cette position, la tête du radius tourne contre le côté latéral de l'ulna au niveau de l'articulation radio-ulnaire proximale, ce qui amène le corps du radius à croiser l'ulna, et en conséquence, raccourcirait légèrement le bras de levier externe. Cela expliquerait ainsi pourquoi nous sommes plus forts avec les avant-bras en pronation dans cet exercice. Et pourquoi, dans cette étude, l'activité EMG des triceps est moins importante dans cette variante. Dans la même logique, cela expliquerait pourquoi dans les conditions avec sangle, l'activité EMG du triceps est plus faible : la charge externe est située plus proximalement du coude, ce qui diminue le bras de levier de la résistance externe. Et cela expliquerait l'absence de différence entre pronation et supination lorsqu'une sangle est utilisée.
L'activité EMG de la longue portion et du vaste latéral du triceps entre les prises en pronation et en supination peut également être attribuée à l'implication des muscles fléchisseur et extenseur radial du carpe. Dans la condition avec poignée, en pronation, les fléchisseurs du carpe seraient recrutés pour empêcher une extension du carpe. Inversement, en supination, les extenseurs du carpe seraient recrutés pour empêcher la flexion du carpe. Mais comme les fléchisseurs du carpe ont un volume et une force supérieurs à ceux des extenseurs du carpe, il est probable que les fléchisseurs du carpe exercent une influence plus importante sur l'extension du coude, expliquant ainsi la demande réduite sur le triceps brachial lors de la prise en pronation.
Lorsque des sangles sont utilisées et fixées au niveau de l'avant-bras, il n'y a pas de couple en flexion ou en extension au niveau du poignet, et par conséquent, pas de recrutement des muscles fléchisseurs ou extenseurs radial du carpe, ce qui expliquerait le recrutement similaire du triceps quelle que soit la position de l'avant-bras.
Au niveau du nombre maximal de répétitions réalisées, les conditions avec sangle ont permis un nombre de répétitions plus élevé car le bras de levier de la résistance externe par rapport au coude est moins grand. À l'inverse, avec poignée, le bras de levier augmente, et avec lui le moment de force externe, nécessitant une participation plus importante du triceps brachial.
Pour une même charge, la prise en supination est plus difficile et provoquera donc un recrutement plus important du triceps brachial. Il reste à savoir si, à charge relative égale, le triceps brachial serait mieux sollicité en supination ou en pronation ; et sur le long-terme, qu'est-ce qui bénéficierait le plus à son développement musculaire. Il semble également intéressant de considérer l'utilisation de sangle à placer au niveau de l'avant-bras pour éviter tout recrutement musculaire "parasite" lié au moment de force créé au niveau du poignet.
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