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Fréquence et nature des blessures en CrossFit

par P. Debraux | 28 Novembre 2013

CrossFit, sport, musculation, fitness, cross-training, entraînement, fonctionnel, blessures, risques, épaules, colonne vertébrale, bas du dos

Créé par Greg Glassman et son ex-épouse, le CrossFit a fait son apparition officielle sur internet à partir de 2001. Il n'a pas cessé de gagner en popularité depuis et de nombreuses box (i.e., nom donné aux salles officielles de CrossFit) voient le jour partout dans le monde chaque mois. En plus de cela, un système de compétition a été mis en place pour permettre à tous les CrossFiters de se mesurer dans des épreuves dont le contenu n'est pas divulgué à l'avance. À cette popularité croissante est venue s'ajouter des critiques, fondées ou non, sur les risques inhérents à cette pratique sportive.

Le CrossFit est un sport très varié où chaque séance est différente

Figure 1. Le CrossFit est un sport très varié où chaque séance est différente.

Le CrossFit se définit par la répétition et l'enchaînement à haute intensité de nombreux mouvements et exercices issus de toutes les disciplines sportives (e.g., haltérophilie, gymnastique, force athlétique, course à pied, aviron, natation, etc.). Les entraînements ou W.O.D. sont systématiquement différents, mélangeant différents types d'efforts physiques ou techniques et réalisés pour une performance temporelle (e.g., Un nombre de répétitions donnés à réaliser le plus rapidement possible) ou quantitative (e.g., la meilleure performance en un temps imparti). C'est ce principe même qui est à l'origine de nombreuses critiques en provenance du monde du fitness ou de la préparation physique.

En effet, bien que ce type d'entraînement ait fait ces preuves au niveau des bénéfices pour la santé et les performances sportives, des questions se posent concernant la sécurité pour l'intégrité physique de l'individu lorsque des mouvements plus ou moins complexes sont réalisés à haute intensité et sur un nombre élevé de répétitions. Car si la technique peut être parfaitement maîtrisée sur quelques répétitions, qu'advient-il quand la fatigue apparait ? La dégradation technique qui l'accompagnera causera-t-elle plus de dommages que de bénéfices ? En plus de cela, le problème de rhabdomyolyse a été très rapidement associé au CrossFit sur la base d'un seul cas vérifié à ce jour... Bien que cette discipline sportive soit en plein essor, la littérature scientifique concernant spécifiquement le CrossFit se résume à une étude publiée à ce jour (voir notre résumé et notre avis sur cet article), et il semble important d'apporter plus d'informations objectives sur cette nouvelle pratique et sur ses risques supposés...

L'étude réalisée

Pour cela, une équipe de médecins anglais du service de traumatologie de l'université de Cardiff ont fait passer un questionnaire anonyme portant sur la nature et la fréquence des blessures liées à la pratique du CrossFit. Ils ont posté leur questionnaire sur les 10 premiers forums anglo-saxons de CrossFit qui apparaissaient après une recherche basée sur les termes "CrossFit forums". Tous les participants des forums étaient invités à répondre, qu'ils aient été blessés ou non.

Les chercheurs ont ainsi récolté des informations de nature démographiques et sanitaires : âge, sexe, fumeur ou non, consommation d'alcool, et usage de produits dopants; et des informations relatives à l'entraînement : durée de pratique du CrossFit, et volume horaire d'entraînement hebdomadaire. Ensuite, il était demandé aux participants s'ils avaient déjà subi des blessures durant un entraînement de CrossFit, et si oui, combien et de quelle nature étaient ces blessures. Les blessures étaient définies comme suffisamment sérieuses pour interrompre l'entraînement ou le travail, quelle que soit la période de temps. Les données ont été récoltées entre février et mai 2012.

Résultats & Analyses

Sur 132 questionnaires complétés, il y avait 39 femmes et 93 hommes avec un âge moyen de 32.3 ans (de 19 à 57 ans). Sur l'ensemble des personnes, 126 consommaient moins de 14 unités d'alcool par semaine (soit l'équivalent de 3.5 L de bière à 5°), dont 24 jamais d'alcool, et 86 entre 0 et 7 unités d'alcool et 16 entre 8 et 14 unités d'alccol. Parmi les participants, 3 ont admis utiliser ou avoir utilisé des produits dopants. La durée moyenne de pratique du CrossFit était de 18.6 mois avec un volume horaire d'entraînement hebdomadaire moyen de 5.3 heures.

D'après les questionnaires, 97 participants (73.5 %) ont subi une blessure durant le CrossFit qui les a empêchés de s'entraîner ou de travailler. Parmi eux, 9 (7 %) ont du subir une intervention chirurgicale suite à leur blessure. Au total, 186 blessures ont été rapportées, mais aucun cas de rhabdomyolyse n'a été enregristré. Enfin, les blessures touchaient majoraitairement les épaules, la colonne vertébrale et les bras. Un taux de 3.1 blessures pour 1000 heures d'entraînement a été calculé pour permettre la comparaison avec d'autres sports.

Ces principaux résultats montrent que lorsque le taux de blessures pour 1000 heures d'entraînement est comparé aux autres disciplines sportives, il serait similaire à celui de l'haltérophilie, de la force athlétique et de la gymnastique. Mais il serait inférieur à celui de sports tels que le rugby ou même le football. De plus, il serait similaire à celui d'activités sportives telles que le fitness, la musculation en salle, la course à pied ou le triathlon.

Applications pratiques

À notre connaissance, cette étude est la seconde réellement consacrée au CrossFit. L'intérêt de celle-ci porte sur son objectif de chiffrer le taux de blessures, puisque cela semble être le point discorde entre les pratiquants et les non-pratiquants. Et à en croire cette étude, le taux de blessures pour 1000 heures d'entraînement serait similaire à celui de sports de force comme l'haltérophilie ou la force athlétique, à celui du fitness, et même de la course à pied. Les sports tels que le rugby ou le football possèderaient quant à eux des taux plus élevés. Les blessures les plus fréquentes au CrossFit toucheraient les épaules et le bas du dos. Les auteurs de l'étude émettent l'hypothèse que les mouvements répétés d'haltérophilie, les hyper-flexions observées lors de mouvements tels que le kipping pourraient être la cause de pathologies au niveau des épaules. De plus, le port de charges lourdes combiné à la fatigue pourraient provoquer de mauvaises postures lombaires et thoraciques qui pourraient entraîner des douleurs lombaires à terme.

Toutefois, comme l'admettent les auteurs, cette étude souffre de plusieurs limitations. Tout d'abord, le faible nombre de participants ne permet pas une réelle comparaison avec le taux de blessures calculé dans d'autres disciplines sur un public bien plus vaste. Il faudra donc continuer de proposer des questionnaires à un plus grand nombre de pratiquants. De plus, le fait de proposer un questionnaire sur les blessures a peut-être pu inciter plus fortement les personnes qui s'étaient blessées à y participer. Enfin, nous pensons que les auteurs auraient du proposer un questionnaire plus détaillé pour connaître le type de blessures et les circonstances dans lesquelles elles seraient survenues.

Bien qu'incomplète cette étude pose les bases d'une analyse statistique de la nature et de la fréquence des blessures en CrossFit. Selon les résultats présentés, le CrossFit n'apparait pas plus dangereux que la musculation en salle, la gymnastique ou la course à pied. D'autant plus qu'en CrossFit, les pratiquants sont encadrés et les séances sont menées par un entraîneur. Son rôle est justement d'adapter la séance au niveau de chacun, d'accompagner les sportifs dans leur apprentissage technique et de s'assurer de la bonne exécution des exercices et des mouvements tout au long des entraînements. En comparaison à cela, combien de coureurs sont réellement coachés ? Combien de pratiquants ne sont pas livrés à eux-mêmes dans les salles de musculation ? Si pour certains la pratique du CrossFit est une pratique dangereuse, il nous semble important de relativiser et de s'intéresser également aux sports où les pratiquants n'ont aucun encadrement.

N'hésitez pas à poser toutes vos questions et à discuter de cet article sur notre forum.

Références

  1. Hak PT, Hodzovic E and Hickey B. The nature and prevalence of injury during CrossFit training. J Strength Cond Res In Press, doi: 10.1519/JSC.0000000000000318.

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