Les troubles du sommeil sont un ensemble de conditions qui affectent le rythme, la qualité et la durée du sommeil. Ils peuvent avoir des répercussions significatives sur la santé physique et mentale. L’insomnie, l’apnée obstructive du sommeil, l’hypersomnie, les troubles du rythme circadien ou bien encore le syndrome des jambes sans repos sont des exemples de troubles du sommeil. L’hygiène de vie, le niveau d’activité physique, la consommation d’alcool, de tabac ou de stimulants ainsi que l’anxiété et la dépression peuvent entraîner des troubles du sommeil. De plus, de nombreuses recherches ont démontré que les estimations subjectives (par les personnes elles-mêmes) et objectives (par une mesure) de la durée moyenne du sommeil sont associées à un risque plus élevé de mortalité. En effet, une durée de sommeil trop courte (< 7h) ou trop longue (> 9h) est associée à des risques plus élevés de mortalité toutes causes confondues.
Ainsi, la durée du sommeil est souvent au cœur des recommandations officielles de santé. Pourtant, des données récentes indiquent que la régularité du sommeil, définie comme une régularité quotidienne des horaires d’éveil et de sommeil, pourrait être un meilleur prédicteur de certains problèmes de santé en comparaison à la durée moyenne du sommeil. Certaines études longitudinales ont mis en évidence des associations entre un sommeil irrégulier et l’état de santé cardiométabolique, un vieillissement épigénétique, des troubles de l'humeur et une moindre qualité de vie. Les personnes ayant des habitudes de sommeil irrégulières sont exposées à des stimuli environnementaux irréguliers, y compris la lumière, et peuvent ainsi adopter des comportements irréguliers, tels que l'activité physique et les repas. Cette instabilité des stimuli et des comportements conduirait à la perturbation des rythmes circadiens, avec, en conséquence, des répercussions négatives sur la santé. Cependant, le risque de mortalité associé à la régularité du sommeil n'a pas été étudiée de manière prospective dans une grande cohorte avec des données objectives sur le sommeil. Alors, qu’en est-il vraiment ?
Pour répondre à cette question, une équipe de chercheurs internationale a évalué la relation entre la régularité du sommeil mesurée objectivement et le risque de mortalité toutes causes confondues, la mortalité due à des causes cardiométaboliques et celle due au cancer. Pour cela les chercheurs se sont basés sur les données recueillies via la UK Biobank, une base de données biomédicales contenant des informations sur la génétique, le mode de vie et la santé provenant d'un demi-million de citoyens britanniques.
Sur les 502 000 personnes, âgées de 40 à 69 ans, recrutées pour la UK Biobank entre 2006 et 2010, 103 669 participants ont porté un accéléromètre 3D (Axivity AX3) sur leur poignet dominant pendant 7 jours dans des conditions de vie libre entre 2013 et 2016. Et l’analyse finale a porté sur 60 997 participants dont les scores de l’indice de régularité du sommeil (IRS) étaient valides. Cet indice évalue la régularité quotidienne des habitudes de sommeil, en tenant compte de l'irrégularité due à la fragmentation du sommeil, aux siestes et aux horaires variables de début et de fin de sommeil. Un IRS de 100 représente des schémas veille-sommeil parfaitement réguliers, et zéro représente des schémas totalement aléatoires. Les chercheurs ont également évalué si la régularité du sommeil était un meilleur prédicteur du risque de mortalité que la durée du sommeil.
En plus des variables concernant le sommeil, les chercheurs ont récolté les informations de covariables telles que l’activité physique moyenne, l'origine ethnique autodéclarée, la situation professionnelle, le travail en rotation ou non, le revenu annuel du ménage, le lieu de résidence, les activités sociales hebdomadaires, le tabagisme, la prise de médicaments contre l'hypertension ou le cholestérol, un diagnostic de cancer, de diabète ou de maladies vasculaires, l’indice de masse corporelle (IMC), le taux de cholestérol, des troubles de l’humeur et la consultation d'un médecin généraliste ou d'un psychiatre pour des problèmes de santé mentale.
Entre juin 2013 et mars 2021, les chercheurs ont récolté les informations concernant la mortalité des participants. L'IRS et la durée du sommeil ont été répartis en quintiles. Les risques de mortalité ont été estimés pour chacun des quatre quintiles supérieurs de l'IRS et de la durée du sommeil par rapport à leurs quintiles inférieurs respectifs, dont il a été supposé qu'ils présentaient le risque de mortalité le plus élevé.
Les principaux résultats de cette étude montrent que sur plus de 10 millions d'heures de données accélérométriques chez 60 977 participants de la UK Biobank, un sommeil plus régulier est un facteur prédictif significatif d'un risque plus faible de mortalité, toutes causes confondues. Les participants des quatre quintiles supérieurs (IRS = 71,6-98,5) présentaient un risque de mortalité toutes causes confondues inférieur de 20 à 48% par rapport à ceux dont les scores IRS se situaient dans le quintile inférieur (IRS < 71,6). La régularité du sommeil était un facteur prédictif plus fort de la mortalité toutes causes confondues que la durée du sommeil, même après ajustement pour les différentes covariables récoltées.
Cela peut s’expliquer car la régularité du sommeil est un indicateur plus direct de la perturbation du rythme circadien, dont les études expérimentales montrent qu'elle a des effets néfastes très larges sur la physiologie. Dans les études animales, la perturbation circadienne induite par des schémas lumineux qui contribuent à un comportement sommeil-éveil irrégulier est connue pour provoquer une mortalité prématurée et la perturbation délibérée de l'horloge circadienne par la lumière provoque des maladies cardiovasculaires. Ce lien a été observé chez l’homme pour sa santé cardiométabolique.
Il faut garder en tête que si la régularité du sommeil est une mesure plus directe de la perturbation du rythme circadien, la durée du sommeil peut aussi, en partie, en saisir certains aspects. Une durée de sommeil courte ou longue peut influencer les moments d'exposition à la lumière, l'apport nutritionnel et l'activité physique, qui ont un impact sur les rythmes circadiens centraux et périphériques. Dans cette étude, un risque plus élevé de mortalité pour des causes cardiométaboliques a été associé à un sommeil irrégulier et de courte durée.
Concernant le cancer, le sommeil irrégulier prédit un risque plus élevé de mortalité, alors qu'une courte durée de sommeil ne le fait pas. Comme pour la mortalité toutes causes confondues, cette relation pourrait être due à la perturbation du rythme circadien. Plusieurs recherches ont établi un lien entre la perturbation circadienne et le cancer : des études impliquant l'expression des gènes et les rythmes métaboliques dans l'initiation et la progression du cancer, des études animales montrant que des rythmes veille-sommeil irréguliers et la perturbation du rythme circadien entraînent une augmentation de la progression tumorale et des métastases et de l'inflammation induite par le cancer, et des preuves épidémiologiques impliquant l'exposition à la lumière pendant la nuit dans un risque plus élevé de cancer du sein, de la thyroïde et du pancréas, et du lien entre le travail en rotation et le cancer du sein, de la prostate, du poumon et de la peau. En revanche, les données épidémiologiques indiquent que la durée du sommeil n'est liée à un risque plus élevé de mortalité par cancer que chez les personnes qui dorment beaucoup (>9 heures), ce qui est cohérent avec les résultats de cette étude.
La recherche sur le sommeil et son impact sur la santé s'est concentrée sur la durée du sommeil en tant que principal facteur prédictif. Les résultats de cette étude confirment le rôle important de la durée du sommeil dans la prédiction de la mortalité, mais révèlent que la régularité du sommeil est un facteur prédictif encore plus fort. Pour des raisons à la fois psychosociales et biologiques, l'allongement de la durée du sommeil peut être difficile à appliquer en pratique. À l’inverse, demander aux gens de maintenir des heures de sommeil plus similaires d'un jour à l'autre pour améliorer la régularité du sommeil, plutôt que de consacrer une plus grande partie de la journée au sommeil, serait peut-être une stratégie plus simple à mettre en place.
Notez que les personnes présentant les scores IRS les plus élevés se sont endormies et réveillées quasiment aux mêmes heures (dans un créneau d’une heure) pendant la majorité des journées où l’accéléromètre était porté. En revanche, les personnes ayant les scores IRS les plus faibles se sont endormies et réveillées dans des créneaux d'environ 3 heures. Bien sûr, les réveils au cours de la nuit et les modes de sommeil fragmentés contribuent également à de faibles scores d'IRS et devraient donc être pris en considération.
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