De plus en plus d'études démontrent que les changements au niveau de la structure cérébrale seraient associés au vieillissement. Ces changements incluent une réduction de l'épaisseur corticale, une diminution du volume de la matière grise et blanche, ainsi qu'une augmentation des hypersignaux de la substance blanche (zones associées au vieillissement et à des maladies neurodégénératives). Cependant, il existe une grande variabilité individuelle dans la prévalence et la progression de ces déclins. Ainsi, mieux comprendre les mécanismes sous-jacents et les comportements qui favoriseraient ou ralentiraient ces changements pourrait aider à mettre en place des interventions pour ralentir le déclin structurel et fonctionnel du cerveau. Certains chercheurs ont émis l'hypothèse que des niveaux élevés de forme physique et d'activité physique globale pouvaient expliquer certaines des différences individuelles observées au niveau de la santé cérébrale.
En effet, de nombreuses études ont observé des associations entre l'activité physique et le volume cérébral, ainsi que le risque de dysfonctionnement cognitif. Par exemple, des revues systématiques ont montré que des niveaux élevés de condition physique et d'activité physique modérée à intense étaient souvent associés à un volume plus important de matière grise dans des régions clés du cerveau, comme l'hippocampe et le cortex préfrontal. Plusieurs études longitudinales ont également mis en évidence une relation entre l'augmentation de l'activité physique et les changements de volume cérébral, tant chez des individus en bonne santé que chez ceux présentant des troubles cognitifs légers. En outre, les études d'intervention suggèrent que l'augmentation de l'activité physique améliore la fonction cognitive chez les personnes âgées, en particulier lorsqu'elle est combinée avec des entraînements de force.
Indépendamment des niveaux de forme physique et d'activité, la composition corporelle, en particulier le niveau d'adiposité (la quantité de masse grasse corporelle), pourrait également influencer le volume cérébral et les fonctions cognitives. Des études ont établi un lien entre un indice de masse corporelle (IMC) élevé et une réduction du volume de matière grise dans plusieurs régions du cerveau. De plus, des corrélations ont été observées entre l'obésité, en particulier l'obésité centrale (c’est-à-dire, un excès en masse grasse viscérale), et une réduction de l'épaisseur du cortex et du volume de matière grise, ainsi qu'à une altération des fonctions cognitives chez les séniors. De plus, la sensibilité à l'insuline dans le cerveau est fortement associée au volume de graisse viscérale, et l'(in)sensibilité à l'insuline est associée à la capacité cognitive. Grâce aux outils de machine learning, il est désormais possible d'estimer l'âge cérébral (BrainPAD) en comparant les mesures volumétriques du cerveau avec l'âge chronologique des personnes. Ainsi, il est possible de déterminer si la structure cérébrale d'un individu est plus jeune (BrainPAD négatif) ou plus âgée (BrainPAD positif) que prévu. Cependant, peu de recherches longitudinales ont été menées sur les prédicteurs du BrainPAD ou sur la probabilité de changements du BrainPAD en réponse à des changements de comportements (par exemple, diète, activité physique, etc.) et des changements associés comme le niveau de forme physique, l'adiposité et le sommeil.
Pour tenter d'apporter des éléments de réponse, une équipe internationale de chercheurs a observé l'impact de l'exercice physique sur l'âge cérébral. Pour cela, 485 personnes âgées de 64 à 85 ans, physiquement inactifs, ne prenant pas de médicaments à base de glucocorticoïdes ou contre le diabète, n'ayant aucun diagnostique de troubles cognitifs, de maladies neurodégénératives ou cardiovasculaires, ont été réparties aléatoirement dans 2 groupes : un groupe pratiquant l'exercice physique (n = 225) ou un groupe ne pratiquant aucun exercice (n = 260).
Cette intervention intégrait une combinaison d'entraînement cardiovasculaire et de renforcement musculaire. Les séances duraient 90 minutes et avaient lieu deux fois par semaine pendant 6 mois. Après l'échauffement, les classes étaient divisées en deux, un groupe commençant les exercices cardiovasculaires et l'autre, les exercices de musculation. Après 30 minutes, les groupes changeaient d'entraînement.
Via l'usage de l'IRM, la neuroimagerie du cerveau de tous les participants a été recueillie avant et après la période d'intervention de 6 mois. Le modèle BrainAge développé par Cole et al. (2018), communément appelé BrainAgeR, a été utilisé pour ces analyses. Les scores BrainPAD ont été calculés en soustrayant l'âge chronologique du score BrainAge fourni par l'algorithme. Les valeurs positives reflètent des cerveaux plus âgés que l'âge chronologique attendu, tandis que les scores négatifs indiquent des cerveaux plus jeunes que l'âge chronologique de l'individu.
La capacité aérobie (évaluée via un test sous-maximal sur tapis ou sur cyclo-ergomètre), l'activité physique (estimée via accéléromètre), le sommeil et la composition corporelle (mesurée via DEXA) ont été évalués et leur impact sur le BrainPAD a été étudié.
Les principaux résultats de cette étude montrent qu'une combinaison d'exercices cardiovasculaires et de renforcement musculaire a permis d'augmenter significativement la capacité cardiovasculaire des participants et d'améliorer leur composition corporelle en réduisant le pourcentage de graisse corporelle et l'adiposité viscérale et en augmentant la masse musculaire. Tandis que pour le groupe de personnes n'ayant pas fait d'exercice, une diminution significative du tissu maigre et des changements non significatifs de la graisse corporelle et de la graisse viscérale ont été observés. L'intervention a également eu un effet significatif sur le temps de sommeil total, avec de légères augmentations dans le groupe ayant fait de l'exercice et une diminution non significative dans le groupe n'ayant pas fait d'exercice.
Comme on pouvait s'y attendre sur une période d'environ 6 mois, il y avait un effet significatif du temps pour le BrainAge, le BrainAge ayant augmenté de 0,709 années en moyenne. Cependant, cette intervention de 6 mois ne semble pas avoir eu d'impact significatif sur le BrainPAD.
Toutefois, les chercheurs ont analysé les corrélations entre les changements dans le BrainPAD et les changements dans la forme physique, l'adiposité, l'activité et le sommeil sans tenir compte du groupe d'intervention (avec ou sans exercice). Ces analyses ont révélé que les changements dans le BrainPAD étaient significativement associés aux changements du pourcentage en masse grasse corporelle et de la graisse viscérale, mais pas à ceux du niveau de forme physique, du sommeil, ou du niveau d'activité physique. Pour chaque changement de 1 kg dans la masse grasse viscérale, il y a un changement correspondant de 0,948 années du BrainPAD.
Ces données contrastent avec les données établissant un lien entre la forme physique et la santé du cerveau, tant en termes de volume de diverses structures cérébrales que de performances cognitives. Il est possible que les changements relativement modestes du niveau de forme physique observés dans cette étude (+0,5 MET à 85 % de la fréquence cardiaque maximale prédite par l'âge) étaient trop faibles pour provoquer des changements significatifs de la structure cérébrale (et donc du BrainPAD). Une intervention plus longue ou plus intense pourrait peut-être entraîner des changements significatifs.
Étant donné le grand nombre de régions/caractéristiques cérébrales contribuant au score BrainAge, il est possible que des changements subtils dans de petites régions du cerveau ne soient pas suffisants pour avoir un impact significatif sur le score.
Un lien semble donc exister entre la santé cérébrale, décrite ici par la différence entre l'âge biologique estimé du cerveau et l'âge chronologique de l'individu, et les changements dans la composition corporelle, plus particulièrement dans le niveau d'adiposité général et viscéral. La réduction de la masse grasse viscérale est associée à des changements positifs dans le BrainPAD, ralentissant ainsi le vieillissement du cerveau par rapport à l'âge chronologique du corps. La masse grasse viscérale est associées à une diminution de l'immunité, des niveaux accrus d'inflammation et à un stress oxydatif plus important. De plus, elle diminue la sensibilité à l'insuline dans l'ensemble du système, ce qui est associé à une dégradation de la structure cérébrale et des fonctions cognitives.
Mais le manque d'impact de l'activité physique sur le BrainPAD suggère que le vieillissement physiologique du cerveau dans son ensemble ne peut pas être ralenti/changé simplement en augmentant les niveaux d'exercice d'une quantité modérée sur une courte période, et donc les résultats sur le niveau de forme physique sont relativement faibles. Sachant que l'exercice joue un rôle important dans la diminution de la masse grasse viscérale, il faudra attendre une étude plus longue avec un format d'exercice plus soutenu pour réellement comprendre l'impact de l'exercice sur la santé cérébrale.
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