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Informations sur les Sciences de l'Entraînement Sportif

Optimiser l'usage de l'occlusion vasculaire en musculation

par P. Debraux | 18 Décembre 2024

La force et la masse musculaires sont essentielles. Pour les athlètes, elles déterminent la performance. Pour les personnes sédentaires en bonne santé, pour celles atteintes de maladies chroniques ou pour les personnes âgées, la force et la masse musculaires sont positivement corrélées avec l'espérance de vie. Pour développer sa masse musculaire et accroître sa force, l'entraînement de musculation reste la meilleure intervention non-pharmacologique. Les gains musculaires sont généralement liés à l'intensité de l'entraînement, c'est-à-dire, la charge relative utilisée. Avec les charges relativement lourdes (>80% 1RM), un effet supérieur sur l'amélioration de la force est généralement observé pour les gains en force et en hypertrophie par rapport à l'entraînement avec charges relativement faibles (30-60% 1RM). Toutefois, il est important de noter que l'entraînement en musculation avec charges lourdes peut induire des douleurs, des blessures ou la survenue de problèmes cardiovasculaires chez des populations souffrant de maladies chroniques, telles que l'hypertension ou l'arthrose, par exemple.

Le meilleur moyen de contourné ces limitations restent de diminuer la charge relative utilisée lors des entraînements. Dans ce cas, il convient alors d'adapter le nombre de répétitions pour obtenir des effets significatifs sur la force et la masse musculaire. Ainsi, dans le cas d'un entraînement avec charge légère, il est préférable de s'entraîner systématiquement à l'échec en faisant autant de répétitions que possible à chaque série. L'inconvénient est que la durée des séries, et par conséquent la durée totale d'entraînement, s'allongera significativement. Pour cela, la méthode d'entraînement avec occlusion vasculaire (Blood Flow Restriction ou BFR, en anglais), permet de réduire drastiquement le nombre de répétitions à réaliser en provoquant une hypoxie musculaire, augmentant ainsi la concentration en métabolites dans le muscle ciblé, et créant ainsi une fatigue accrue des fibres musculaires et, in fine, un recrutement des plus grosses unités motrices.

Le BFR associé à l'entraînement de musculation à faible intensité apparaît donc comme un traitement alternatif relativement sûr par rapport aux protocoles d'entraînement traditionnels pour améliorer les fonctions musculaires et motrices chez des patients en milieu clinique ou chez des populations sédentaires. Toutefois, malgré son utilisation croissante dans de nombreuses études et contextes cliniques, l'absence de critères standardisés concernant les protocoles d'entraînement et l'équipement BFR reste marquée. En effet, pour évaluer l'efficacité du BFR sur l'amélioration de la force et de l'hypertrophie musculaires, il est essentiel de mieux comprendre l'impact de paramètres clés tels que la pression d'occlusion, la largeur de sangle et le choix du niveau de résistance.

L'étude réalisée

Pour mieux comprendre l'impact des différents protocoles d'occlusion vasculaire couplés à un entraînement de musculation sur la force et l'hypertrophie musculaires, des chercheurs chinois ont réalisé une méta-analyse. Pour cela, ils ont analysé les résultats de 20 études contrôlées et randomisées incluant 28 groupes d'intervention et un total de 515 jeunes adultes.

Les études étaient inclues si elles répondaient aux critères suivants : les participants étaient des adultes en bonne santé âgés de plus de 18 ans, l'intervention impliquait un entraînement en musculation combiné avec BFR, un groupe contrôle était présent et ne recevait pas de traitement avec BFR et les résultats de l'étude étaient centrés sur l'hypertrophie musculaire (mesure de la section transversale ou de la circonférence) et la force musculaire (mesure de 1RM ou de la force isométrique volontaire maximale).

Les études duraient entre 3 et 14 semaines. La fréquence des séances d'entraînement variait entre 2 et 4 fois par semaine, avec une seule étude mettant en œuvre une fréquence d'entraînement de 4 fois par semaine.

En ce qui concerne l'intensité du BFR combiné à l'entraînement de musculation, une fourchette de 20% à 80% de 1RM a été observée parmi les groupes d'intervention dans les études incluses. Vingt-trois groupes utilisaient des intensités inférieures à 60% de 1RM, 2 utilisaient des intensités de 60 à 80% de 1RM, et 3 une intensité de 80% de 1RM.

Les groupes d'intervention ont utilisé différents types de garrots. La longueur de ces garrots était adaptée à la section transversale des bras ou des jambes des participants. Dans certaines études des garrots de différentes largeurs ont été utilisés. De plus, dans 14 études (20 groupes d'intervention), les garrots étaient gonflés tout au long de l'entraînement, et dans 6 études (8 groupes d'intervention), les garrots étaient gonflés pendant l'exercice et dégonflés pendant les périodes de repos.

Résultats & Analyses

Les principaux résultats de cette étude montrent que l'occlusion vasculaire (BFR) combiné à un entraînement de musculation permet d'obtenir des résultats comparables à l'entraînement de musculation traditionnel au niveau de la force et l'hypertrophie musculaires. Bien que l'entraînement de musculation à moyenne et haute intensités soit la méthode la plus efficace pour améliorer la force et l'épaisseur musculaires, son application est parfois limitée chez certaines populations. Les personnes âgées et les personnes hospitalisées sont souvent confrontés à une faiblesse musculaire dues à un manque d'exercice et/ou à une perte de masse musculaire. Bien qu'efficace pour améliorer la force musculaire, la musculation peut présenter des risques dus à la réponse hémodynamique aiguë qu'elle déclenche. En effet, l'élévation répétée de la pression artérielle augmente le cisaillement endothélial et les concentrations en thrombine et fibrine, ce qui accroît le risque de thrombose veineuse. L'entraînement de musculation avec BFR, et avec charge légère permet de contourner ce problème et est souvent utilisé dans des contextes cliniques pour la rééducation fonctionnelle.

Concernant l'intensité de la charge, les résultats n'ont révélé aucune différence significative dans les améliorations de la force et de l'épaisseur musculaires entre un entraînement à faible intensité avec BFR (< 60% 1RM) et un entraînement à intensité modérée et élevée avec BFR (60-80% 1RM). Il a été démontré qu'un entraînement avec BFR à faible charge (30% de 1RM) permettait d'obtenir des scores de perception de l'effort (RPE) plus faibles que l'entraînement à 70% de 1RM. Pour les personnes manquant d'expérience en matière d'entraînement ou incapables de supporter un entraînement de haute intensité, la mise en œuvre d'un entraînement à faible charge avec BFR peut atténuer l'inconfort pendant l'entraînement. De plus, l'entraînement de résistance à faible intensité avec BFR exerce nettement moins de contraintes sur les articulations, les tissus mous et le système cardiovasculaire que l'entraînement à haute intensité.

Outre l'intensité de l'entraînement, cette méta-analyse a exploré le lien entre certaines caractéristiques des garrots et leurs effets sur l'hypertrophie musculaire. La largeur et la pression d'occlusion des garrots sont susceptibles d'influencer l'efficacité des protocoles d'entraînement. À l'heure actuelle, il n'existe pas de critères normalisés pour l'utilisation des garrots. Des recherches antérieures ont suggéré que des garrots plus larges pourraient exercer une pression d'occlusion plus importante et ainsi induire une hypoxie mieux localisée, ce qui pourrait favoriser la stimulation de la croissance musculaire. Et si l'on considère qu'un brassard plus étroit peut entraîner des lésions musculaires localisées en raison d'une tension accrue, un brassard plus large serait plus pratique et plus confortable.

En ce qui concerne la pression appliquée par les garrots, le modèle de régression a mis en évidence qu'une occlusion vasculaire plus élevée était corrélée à une amélioration plus efficace de l'hypertrophie musculaire. Néanmoins, il est essentiel de sélectionner avec soin l'occlusion. La plupart des études ont utilisé une occlusion artérielle (OA) comprise entre 40% et 80%. Il a été suggéré qu'une OA de 50% à 80% est optimale pour l'entraînement avec BFR, et une OA supérieure à 80% peut augmenter le risque d'événements indésirables pendant l'entraînement des patients, tels que l'induction potentielle d'une thrombose veineuse.

Enfin, aucune association significative entre le dégonflage du garrot pendant les périodes de repos et son impact sur l'hypertrophie musculaire n'a été observée. Toutefois, les preuves existantes pourraient ne pas être suffisantes pour établir une relation définitive entre l'état de gonflage du garrot et les effets de l'entraînement avec BFR sur l'hypertrophie musculaire. Une étude a, par exemple, fait état d'un inconfort et d'une fatigue précoce associés à des garrots gonflés lors de l'entraînement, ce qui pourrait influencer l'amélioration de l'hypertrophie musculaire à long-terme. La pratique consistant à dégonfler les garrots pendant les périodes de repos pourrait contribuer à maintenir un volume d'entraînement adéquat pour l'hypertrophie musculaire.

Applications pratiques

L'entraînement de musculation à faible intensité avec occlusion vasculaire partielle est efficace pour améliorer la force et l'hypertrophie en comparaison à une méthode d'entraînement classique. Cette méta-analyse suggère que la prescription du programme pourrait être guidée par les paramètres suivants : 2 à 3 séances d'entraînement par semaine à une intensité de 20 à 40% de 1RM. De plus, l'occlusion peut entraîner un inconfort et une réduction du volume total d'exercice. Il est essentiel d'accorder une attention particulière à la largeur et à la pression d'occlusion des garrots pendant les interventions afin de minimiser les effets indésirables potentiels tout en obtenant la croissance musculaire souhaitée. Il est donc recommandé d'utiliser un brassard plus large et d'appliquer 50 à 80% de la pression d'occlusion artérielle pendant l'entraînement. En outre, le relâchement de la pression du garrot pendant les périodes de repos serait bénéfique pour réduire l'inconfort.

Et bien que ce type d'entraînement soit moins contraignant pour certains patients, il peut tout de même imposer un certain stress cardiovasculaire important, ce qui peut entraîner des effets indésirables. Il est donc important de prendre en considération l'état de santé de la personne et de vérifier s'il n'existe pas de contre-indications à l'utilisation du BFR.

Références

  1. Ma F, He J and Wang Y. Blood flow restriction combined with resistance training on muscle strength and thickness improvement in young adults: a systematic review, metaanalysis, and meta-regression. Front Physiol 15:1379605, 2024.

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