Chaque année, une nouvelle diète fait son apparition. Elle propose généralement de bannir un macronutriment, un aliment ou une catégorie d'aliments tout en expliquant que c'est la cause de tous les problèmes de santé. Et tous les dix ans, ces diètes se refont une beauté, trouvent un nom plus hype et c'est reparti pour un tour ! Prenez la déferlante "keto" de nos jours. En 1995, Mauro Di Pasquale recyclait déjà la diète cétogène avec son "Anabolic diet" pour les bodybuilders et tous ceux désireux de construire du muscle… Pour couronner le tout, et apporter son lot de confusion, des guerres de paroisses existent bien sûr entre les différents courants (low-fat vs. Low-carbs vs. Keto vs. Paléo vs. Vegan vs. Intermittent fasting vs. Etc.). Chaque courant se proclamant le meilleur et parfois le plus fidèle à notre évolution génétique…
Pourtant, il existe au moins deux points communs entre ces différentes diètes. Premièrement, dans le but d'une perte de masse grasse, elles conseillent généralement un déficit calorique par rapport à ses besoins énergétiques journaliers. Deuxièmement, elles incitent les personnes à manger plus sainement (normalement) et à éviter autant que possible les produits alimentaires industriels (transformés ou ultra-transformés). En 2018, Monteiro et al. décrivaient les produits ultra-transformés comme des "formulations principalement composées de sources industrielles d’énergie diététique et nutritives, mélangées à des additifs, en utilisant une série de processus". Au final, ces aliments contiennent généralement beaucoup de glucides, de lipides, de sel, peu de protéines, et beaucoup d'additifs (colorants et conservateurs). Les aliments ultra-transformés sont bon marché, permettent d'accroître la durée de vie des aliments pour le stockage, très riches en calories et souvent très pratiques (prêt à manger ou prêt à cuire). Ils ont donc tout naturellement trouvé une place de choix dans notre société de plus en plus axée vers le "#jebougepasdemoncanape".
Pourtant, certaines données montrent clairement le parallèle entre l'augmentation de la prévalence de l'obésité et du diabète de type 2 et l'industrialisation de l'alimentation et la production de produits riches en calories mais ultra-transformés, dans les pays à hauts revenus, mais surtout aujourd'hui dans les pays à revenus faibles et moyens. Les théories sur une probable causalité entre produits ultra-transformés et obésité sont multiples cependant aucune étude à ce jour n'a établi ce lien de causalité. Quels sont réellement les effets bénéfiques de réduire la consommation de produits ultra-transformés et les effets néfastes liés à leur consommation ?
Pour répondre à cette question, une équipe de chercheurs du centre clinique de l'institut national de la santé (NIH) aux États-Unis a mis en place un protocole par essai randomisé contrôlé. Les chercheurs ont recruté 20 personnes (10 femmes et 10 hommes) qu'ils ont attribué aléatoirement à une des deux conditions de l'étude : 14 jours avec une diète basée uniquement sur des produits ultra-transformés ou 14 jours avec une diète basée uniquement sur des produits non-transformés. A l'issu des 14 jours premiers jours, les participants passaient dans l'autre groupe. L'étude a donc duré deux fois 14 jours et tous les participants ont testé les deux différentes diètes.
Chaque jour, 3 repas (petit-déjeuner, déjeuner et dîner) étaient présentés aux participants. Et les instructions étaient simples : "Mangez autant que vous le souhaitez." Les participants avaient 60 minutes maximum pour finir chaque repas et pouvaient donc manger moins ou plus que le repas présenté. En plus de ces trois repas, les participants avaient un accès illimité à des snacks et à des bouteilles d'eau tout au long de la journée. Ce qu'il est important de retenir est que les chercheurs ont fait leur maximum pour que les deux diètes soient équivalentes au niveau des calories totales, des macronutriments, des fibres, des sucres ajoutés et du sodium. La seule différence provenait de l'origine des aliments (ultra-transformés vs. Non-transformés) et de l'appétit des participants.
Chaque semaine, les participants passaient une journée entière dans une chambre calorimétrique pour mesurer la dépense énergétique et le quotient respiratoire. La composition corporelle était mesurée 5 fois au cours des 28 jours d'expérimentation via absorptiométrie biphotonique à rayons X (DEXA). L'adiposité du foie était mesurée par imagerie par résonance magnétique (IRM). Trois prélèvements sanguins à jeun ont été effectués avant le début de l'expérimentation, après les deux premières semaines et après les deux dernières semaines. Et à la fin des deux périodes de diètes, un test oral de tolérance au glucose (hyperglycémie provoquée per os) était réalisé.
Les principaux résultats de cette étude montrent que la diète ultra-transformée a induit une consommation supérieure de calories (environ 508 ± 106 kcal/jour) (Fig. 1) due principalement à une prise plus importante de glucides et de lipides (Fig. 4). Au niveau de la composition corporelle, cet excès calorique s'est traduit par une augmentation de la masse corporelle de 0.9 ± 0.3 kg (Fig. 2), dont 0.4 ± 0.1 kg de masse grasse (Fig. 3). À l'inverse, la diète non-transformée a permis de diminuer la masse corporelle de 0.9 ± 0.3 kg et de diminuer la masse grasse de 0.3 ± 0.1 kg. Cette surconsommation de glucides et de lipides peut s'expliquer en partie par l'apport en protéines similaires. Avec des produits ultra-transformés, il n'est souvent pas possible de choisir des produits riches en protéines sans apports supplémentaires de glucides et de lipides. Comme le montre la figure 4, l'apport en protéines entre les deux diètes était quasiment similaire.
Figure 1. Évolution quotidienne de la prise alimentaire ad libitum au cours des deux diètes.
Figure 2. Évolution quotidienne de la masse corporelle au cours des deux diètes.
Figure 3. Évolution de la masse grasse au cours des deux diètes.
Au niveau de la palatabilité (représentant le plaisir de manger), aucune différence n'a été relevée entre les deux diètes. Lors de la diète ultra-transformée, les participants mangeaient plus vite et le taux de calories avalées par minute était plus grand que lors de la diète non-transformée (Fig. 5). Les aliments ultra-transformés sont souvent plus faciles à mâcher et à avaler car leur structure est plus fragile que des aliments naturels. Une hypothèse avancée par les chercheurs du NIH est que la vitesse d'ingestion de ces aliments ultra-transformées pourraient tout simplement retarder la sensation de satiété, et donc, nous aurions tendance à en manger plus.
Au niveau des prélèvements sanguins à jeun, après la diète ultra-transformée, il n'existait pas de différences avec le prélèvement effectuée avant l'expérimentation ce qui suggère que les participants consommaient déjà beaucoup d'aliments ultra-transformés. Ce qui n'est pas très étonnant étant donné la forte prévalence des aliments ultra-transformés aux États-Unis. En revanche, après la diète non-transformée, la concentration en hormone Peptide YY, qui stimule l'effet de satiété, avait augmenté en comparaison à la mesure avant l'étude et à celle réalisée après la diète ultra-transformée. L'hormone ghréline (qui stimule l'appétit) a, quant à elle, diminué suite à la diète non-transformée. La diète non-transformée a également réduit le taux d'adiponectine (adipokine qui favorise la sensibilité à l'insuline), le cholestérol total, le taux de protéine C réactive (marqueur de l'inflammation), le taux d'hormone T3 total, la glycémie à jeun et le niveau d'insuline. Elle a cependant augmenté le taux de T4 libre et le taux d'acides gras libres.
Même si ce type de protocole devra être répliqué sur une plus longue période, cette étude démontre l'impact d'une diète composée majoritairement d'aliments ultra-transformés sur la masse corporelle et la masse grasse. Les personnes prennent du poids car elles mangent plus du fait probablement de la vitesse des repas et d'un effet de satiété retardé. A l'inverse, le fait de manger une diète basée sur des aliments non-transformés a permis aux participants de perdre du poids et de la masse grasse. Ces résultats illustrent pourquoi il est préférable de choisir des aliments naturels et de qualité. Car moins les aliments seront transformés (et donc, les plus naturels possibles) et plus ils influenceront la quantité de calories ingérées.
De plus, rappelez-vous également que les chercheurs ont tout fait pour proposer deux diètes équivalentes en termes d'énergie, de macronutriments, de fibres, de sodium, etc. En réalité, une diète composée principalement de produits ultra-transformés contiendra moins de protéines, moins de fibres, plus de sodium, etc. Il est même envisageable que les calories ingérées quotidiennement dépasseront allègrement les valeurs indiquées dans cette étude, par rapport à une diète composée uniquement de produits naturels.
Néanmoins, les aliments ultra-transformés coûtent moins chers et sont plus simples à préparer. Dans cette étude, pour préparer une diète journalière de 2000 kcal, les coûts hebdomadaires pour la diète ultra-transformée étaient de 106 $ et de 151 $ pour la diète non-transformée. Cela influence fortement les consommateurs qui regardent le prix en premier lieu sans se poser forcément la question de la qualité du produit qu'ils achètent et des conséquences sur leur santé à long-terme...
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