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Biomécanique de la course chez l'enfant en surpoids/obésité

par P. Debraux | 19 Octobre 2021

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La prévalence du surpoids et de l'obésité chez les enfants et adolescents est devenue en 40 ans un réel problème de santé publique, passant de 4% en 1975 à 18% en 2016. Ainsi, plus de 340 millions d'enfants et adolescents (5-19 ans) souffrent aujourd'hui de surpoids ou d'obésité. Les risques de santé associés avec l'obésité chez l'enfant incluent les maladies cardiovasculaires, le syndrome métabolique, la dépression et l'isolation sociale. En plus des effets physiologiques et psychologiques négatifs, une masse corporelle excessive chez l'enfant est liée à des troubles du mouvement, des contraintes excessives articulaires et le développement de l'arthrose et d'autres pathologies articulaires (notez que l'arthrose est également liée à l'obésité par le biais de l'inflammation chronique).

De nombreuses études ont étudié l'impact du surpoids et de l'obésité sur la biomécanique de la marche en comparant le mouvement chez des enfants possédant une masse corporelle normale et celui d'enfants avec surpoids ou obésité. Et des différences dans la cinématique, les forces de réaction au sol ou dans les contraintes articulaires ont été révélées. Pourtant peu d'études se sont intéressées aux différences biomécaniques lors d'activités à impact plus fort, comme la course à pied. À tort ou à raison, la course à pied est l'une des formes d'exercice la plus recommandée pour réduire l'obésité et améliorer la santé générale. Il est donc important d'examiner la cinématique et la cinétique de la course à pied chez des enfants avec surpoids ou obésité afin d'identifier les risques que cette activité pourrait avoir pour ce public.

L'étude réalisée

Afin d'en savoir plus, des chercheurs américains ont comparé la cinématique et la cinétique de la course à pied chez des enfants avec une masse corporelle saine et des enfants avec surpoids ou obésité. Pour cela, 42 enfant âgés de 8 à 12 ans ont participé à cette étude (16 d'entre eux étaient avec surpoids ou obésité). Le protocole consistait à courir à une vitesse imposée de 3.5 m/s (soit 12.6 km/h) sur une ligne de droite de 15 mètres. Afin d'analyser la cinématique du mouvement, des caméras 3D (Qualysis) étaient placées le long de la piste de course et pour analyser la cinétique, une plateforme de force (AMTI) était encastrée dans la piste. Chaque enfant réalisait entre 3 et 5 essais.

Les variables cinématiques étudiées incluaient les angles articulaires dans les plans frontal et sagittal et les excursions (c’est-à-dire, l'amplitude de mouvement) de la hanche, du genou et de la cheville. Les variables cinétiques étudiées comprenaient le pic d'impact vertical, le taux de chargement vertical moyen, le taux de chargement vertical instantané, la force maximale verticale, le pic de force de frottement et le pic de force propulsive.

Résultats & Analyses

Les principaux résultats de cette étude montrent que des différences significatives existent au niveau de la biomécanique de course à pied entre les deux groupes d'enfants. Tout d'abord, les enfants avec surpoids/obésisté ont des foulées plus courtes et passent plus de temps dans la phase d'appui en comparaison aux enfants avec une masse corporelle normale. Une des explications avancées pour expliquer ce point serait que la foulée plus courte permettrait d'éviter au corps un coût métabolique élevé nécessaire pour déplacer l'excédent de masse corporelle. Mais cette différence pourrait également s'expliquer par une diminution de l'amplitude de mouvement et un mauvais contrôle de l'équilibre. Les chercheurs ont en effet observé des amplitudes de mouvement plus faibles chez les enfants avec surpoids/obésité, avec une différence encore plus marquée au niveau de la hanche et du genou. Et concernant l'équilibre, de précédentes études ont démontré que les enfants avec surpoids/obésité possédaient une plus grande instabilité posturale que ceux avec une masse corporelle normale. Cela pourrait venir d'une plus grande difficulté à contrôler la chute de leur centre de gravité durant le déplacement. Ainsi, des foulées plus courtes et un temps en appui plus long pourraient les aider à mieux contrôler la chute de leur centre de gravité à chaque pas, les aidant ainsi à conserver leur équilibre en mouvement.

Dans le plan sagittal, les enfants avec surpoids/obésité démontrent des amplitudes de mouvement au niveau du genou et de la hanche plus faibles que celles des enfants avec une masse corporelle normale. Ces différences sont surtout observables au début de la phase d'appui. Cela indique une démarche plus rigide qui implique de plus grandes contraintes verticales sur le corps. Ce manque de flexion pourrait être due à un manque de mobilité lié à l'accumulation de tissus adipeux, et aurait pour conséquence un manque d'absorption des chocs dans des activités comme la course à pied.

Dans le plan frontal, les enfants avec surpoids/obésité possèdent une plus grande inversion de cheville lors de la pose du pied suivie d'une éversion plus marquée. Une éversion excessive est liée à différentes blessures liées à la course à pied, incluant les fractures de fatigue au niveau du tibia, le syndrome patello-fémoral et la tendinopathie du tendon d'Achilles. Au niveau des genoux, une plus grande abduction est observée lors de toute la phase d'appui chez les enfants avec surpoids/obésité. Une augmentation de l'abduction du genou lors de mouvements dynamiques est un des mécanismes des blessures sans contact du ligament croisé antérieur et est associée à un stress mécanique plus marqué sur ce ligament. De plus, un plus grand angle d'abduction de genou en course à pied augmente les forces de contact sur l'articulation patello-fémorale latérale.

Au niveau cinétique, les enfants avec surpoids/obésité démontrent des forces d'impact au sol et des moments de force articulaires significativement supérieurs. C'est probablement une conséquence de la foulée plus rigide (moins amortie). Lorsque les forces sont exprimées relativement à la masse corporelle, aucune différence n'apparait entre les deux groupes d'enfants. Cela étant dit, il ne faut pas oublier que les surfaces articulaires et les surfaces de pose du pied ne sont pas proportionnelles à l'augmentation de la masse corporelle. De plus, des études ont montré que la densité minérale osseuse était réduite chez des enfants en surpoids…

Applications pratiques

Les résultats de cette étude mettent en lumière l'impact néfaste qu'une masse corporelle excédentaire a sur la biomécanique de la course à pied chez des enfants. Les forces de réaction au sol et les moments articulaires plus grands peuvent aboutir à des contraintes articulaires plus grandes, des mauvais alignements et au final à des problèmes articulaires.

Une des limitations principales de cette étude est la standardisation de la vitesse de course pour tous les enfants. Il est probable que les enfants avec surpoids/obésité choisiraient naturellement une vitesse de course plus lente qui limiterait les problèmes observés.

Alors qu'une étude récente conseille d'augmenter son niveau de forme physique, en priorité, plutôt que de perdre du poids, il semble primordial de prescrire une activité physique adaptée qui permette d'éviter les risques de blessures associés avec des contraintes excessives ou des mauvais placements. La progression d'activités à faibles impacts vers des activités à impacts élevés doit être appropriée et respectée afin de laisser le temps aux structures musculo-tendineuses, ligamentaires et osseuses de s'adapter. Comme le remarquent les chercheurs, il est important de créer une association positive avec l'activité physique et le sport dès le plus jeune âge afin de créer des habitudes qui perdureront tout au long de la vie.

Références

  1. Bowser BJ and Roles K. Effects of Overweight and Obesity on Running Mechanics in Children. Med Sci Sports Exerc, 53 (10), 2101-2110, 2021.

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