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Description cinématique de l'arraché chez des athlètes féminines de haut-niveau

par P. Debraux | 31 Juillet 2012

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L'haltérophilie est une discipline dite de force présente aux Jeux Olympiques depuis 1896 mais dont les épreuves ont peu à peu été modifiées. L'haltérophilie moderne se compose de deux épreuves : l'épaulé-jeté et l'arraché. Le but de ces deux mouvements est de soulever à deux mains une barre la plus lourde possible au-dessus de la tête. La différence entre ces deux exercices réside donc dans la façon de déplacer cette barre. Si l'épaulé-jeté se déroule en deux temps, l'arraché consiste à amener la barre au-dessus de la tête bras tendus dans un mouvement ininterrompu (Fig. 2). Vous pourrez trouver plus d'explications concernant cette discipline sur le site de la F.F.H.M.

Malgré le fait que cette discipline soit présente aux Jeux Olympiques depuis la fin du 19ème siècle, il faudra attendre 1987 pour que les femmes puissent concourir aux Championnats du Monde, et l'année 2000 à Sidney, pour que les femmes participent aux Olympiades. De ce fait, les études sur les performances féminines de haut-niveau à l'arraché (Fig. 2) sont moins nombreuses que celles consacrées aux hommes dans cette discipline. Deux études réalisées lors des Championnats du Monde de 1987 et 1998 ont montré qu'il existait des différences cinétiques (e.g., force, puissance, explosivité) et cinématiques (e.g., déplacements linéaire et angulaire, vitesse, accélération) entre les femmes et les hommes, mais également qu'entre 1987 et 1998, les performances féminines s'étaient significativement améliorées.

Figure 1. Dispositif des caméras pour l'analyse de l'arraché.

L'analyse comparative des différents paramètres cinématiques lors de l'arraché chez des athlètes féminines de haut-niveau sur différents Championnats du Monde pourrait mettre en lumière l'importance de certains points dans l'amélioration de la performance.

L'étude réalisée

Ainsi, lors des Championnats du Monde d'Haltérophilie 2010 à Antalya, Turquie, un chercheur turque de l'université de Selçuk a analysé par vidéo l'arraché de 7 femmes, championnes du monde dans leur catégorie de poids respective. Les données recueillies ont été comparées à celles obtenues lors de précédents championnats du monde chez les femmes et chez les hommes.

Pour ce faire, le chercheur a placé deux caméras numériques dont la fréquence d'enregistrement était de 50 trames/s. Le placement des caméras est illustré sur la Figure 1. L'axe de chaque caméra formait un angle de 45° avec le plan sagittal des haltérophiles. Le traitement des images vidéos dans un logiciel dédié a permis d'analyser la cinématique articulaire et la cinétique du mouvement d'arraché.

Pour l'étude de l'arraché, le mouvement est généralement divisé en 6 phases, ces 6 phases sont déterminées à partir des changements de direction de l'angle articulaire du genou et de la hauteur de la barre (Fig. 2) :

  1. Premier tirage ("First pull") : Du décollage de la barre du sol jusqu'à la première extension maximale des genoux.
  2. Transition : De la première extension maximale des genoux jusqu'à la première flexion maximale des genoux.
  3. Second tirage ("Second pull") : De la première flexion maximale des genoux jusqu'à la seconde extension maximale des genoux.
  4. Passage sous la barre ("Turnover under the barbell") : De la seconde extension maximale des genoux jusqu'à la hauteur maximale atteinte par la barre.
  5. Phase de réception ("Catch") : De la hauteur maximale atteinte par la barre jusqu'à la position d'arrivée en squat.
  6. Phase d'extension des membres inférieurs : De la position de squat jusqu'à l'extension complète des membres inférieurs.

En plus de l'analyse de la cinématique des athlètes, la cinématique de la barre a été analysée dans le plan sagittal afin d'identifier sa trajectoire et son déplacement horizontal. Un exemple de trajectoire de la barre lors de l'arraché est illustré en Figure 3.

Pose du pied au sol avec l'arrière du pied

Figure 2. Les différentes phases de l'arraché : (A) Premier tirage, (B) Transition, (C) Second tirage, (D) Passage sous la barre, (E)... (Cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Pose du pied au sol avec l'avant du pied

Figure 3. Exemple de trajectoire sagittale de la barre... (Cliquez sur l'image pour l'agrandir)

En plus des informations liées aux angles articulaires et aux déplacements, grâce aux différentes données recueillies, le chercheur a également calculé le travail et la puissance produite, pour les phases du premier et du second tirage.

Résultats & Analyses

Les principaux résultats de cette étude descriptive montrent que les performances des athlétes féminines lors des Championnats du Monde 2010 en arraché étaient meilleures que celles observées en 1987 et en 1998 de 45% et 18%, respectivement. En haltérophilie, la meilleure performance correspond à la plus grande charge soulevée. Cette charge est une variable très importante puisqu'elle influence la cinématique et la cinétique de la barre. Lors de l'arraché, les études montrent que plus la charge augmente, plus la durée des phases de tirage augmente tandis que la vitesse de tirage, la hauteur maximale atteinte par la barre et la production de puissance diminuent. Cette augmentation des performances féminines sur une période de 23 ans est un bon indicateur de l'amélioration des aptitudes techniques et physiques des haltérophiles.

Cinématique du mouvement d'arraché

L'analyse cinématique montre que la durée du premier tirage est la plus longue de toutes les phases et qu'elle est significativement supérieure à celle observée lors des précédents Championnats du Monde. Inversement, la durée du second tirage est plus courte en comparaison à celle des Mondiaux de 1987 et plus longue que celle des Mondiaux de 1998. Des études précédentes ont observées une cinématique et une cinétique exactement inverses chez les femmes mais similaires chez les hommes. Bien que les performances des haltérophiles féminines soient inférieures à celles de leurs homologues masculins, le pattern utilisé est devenu similaire. La durée relativement plus longue et le travail mécanique accomplie lors du premier tirage s'expliquent par une charge déplacée plus lourde. En effet, durant cette phase, l'haltérophile doit fournir un plus grand effort pour surpasser l'inertie de la barre. La phase du second tirage est plus rapide et le travail mécanique est moins important. Le premier tirage est une phase relativement lente et orientée vers le développement de la force, tandis que le second tirage est une phase plus rapide et orientée vers la production de puissance. Selon l'auteur, l'amélioration des performances entre 1987, 1998 et 2010 serait due à un changement technique durant le second tirage, ce qui aurait permis une plus grande production de puissance (+ 80% de puissance relative à la masse corporelle en 23 ans).

La première extension maximale des genoux lors du premier tirage semblerait affecter la production de puissance durant le second tirage. La flexion des genoux réalisée lors de la phase de transition permettrait, comme lors d'un saut vertical, d'emmagasiner de l'énergie potentielle élastique au niveau des muscles extenseurs du genou et de la hanche et qui serait restituer lors de la seconde extension des genous lors du second tirage. Les valeurs des angles articulaires pour le genou et la hanche sont similaires à celles observées dans des études plus anciennes. A l'inverse, l'extension articulaire des chevilles lors du second tirage était bien plus importante en 2010 que lors des précédents Mondiaux étudiés. Cela peut expliquer en partie, l'augmentation de la production de puissance observée lors du tirage.

Enfin, durant le premier tirage, les vitesses angulaires de la cheville, du genou et de la hanche étaient inférieures à celles observées lors du second tirage. De plus, la vitesse angulaire du genou était la plus importante lors du premier tirage, tandis que la vitesse angulaire de la hanche était la plus importante lors du second tirage. Ces résultats confirment l'importance de l'augmentation de la vitesse lors du tirage vertical de la barre pour maximiser la production de puissance, afin de passer plus rapidement sous la barre.

Cinématique de la barre

La trajectoire de la barre est un bon indicateur de l'efficience mécanique du tirage vertical de la barre. Selon plusieurs études, la trajectoire horizontale idéale de la barre est représentée par un pattern positif-négatif-positif (Fig. 3) (i.e., positif quand la barre se déplace vers l'athlète et négatif quand elle s'en éloigne). Ce déplacement horizontal doit être le plus faible possible dans la mesure où plus il augmentera plus il nécéssitera un effort plus important pour contrôler la barre. Dans cette étude, il est égal à 3-9 cm lors du premier tirage, 3-18 cm lors du second tirage et 3-9 cm juste après le début de la descente de la barre une fois que celle-ci a atteinte sa hauteur maximale.

Il faut toutefois remarquer que pour les 7 Championnes du Monde 2010, seules 2 trajectoires (-53 kg et -69 kg) étaient proches d'un pattern optimal "positif-négatif-positif" (Fig. 4). Néanmoins, ces trajectoires représentent les meilleures performances aux Mondiaux de 2010, dont 2 records du monde, il est possible d'en déduire que la performance n'est peut-être pas uniquement dépendante d'une trajectoire optimale et que des paramètres cinétiques comme la production de puissance sont tout aussi importants voire plus. Enfin, la trajectoire de la barre est probablement influencée par les paramètres anthropométriques de chaque athlète, mais cela est encore trop peu étudié.

Figure 4. Trajectoires des barres dans le plan sagittal pour les 7 championnes du monde 2010... (Cliquez sur l'image pour l'agrandir)

La phase de transition entre le premier et le second tirage est crucial pour la vitesse de la barre. L'abscence de 2 pics distincts de vitesse durant la phase totale de tirage indique une technique efficiente. Sur toutes les athlètes observées, le chercheur a observé 2 pics de vitesses avec une seule haltérophile (-48 kg). La vitesse linéaire de sa barre a diminué de 13% durant la phase de transition.

Applications pratiques

Sur un peu plus de deux décennies, les performances sur le mouvement d'arraché se sont nettement améliorées chez les femmes. Dans cette étude descriptive, l'analyse du mouvement a permis de mettre en évidence les différences cinématiques et cinétiques qui existent avec les performances antérieures. Il semblerait que la technique des athlètes féminines se soient rapprochées de la technique des haltérophiles masculins. Cela est en partie du à l'amélioration de la préparation des athlètes féminines techniquement mais également physiquement. L'amélioration la plus nette était observée lors du second tirage, où la production de la puissance mécanique était plus importante.

Cette étude est très intéressante car elle permet d'obtenir des informations sur les meilleures athlètes du Monde en condition de compétition. Une analyse des paramètres cinématiques et cinétiques plus complète (e.g., vitesse et accélération de la barre, évolution de la force en fonction du temps, étude de la force explosive, etc.) permettrait toutefois de préciser l'analyse et d'identifier encore plus de paramètres discriminants de la performance. Il ressort néanmoins de cette étude que le développement de la force maximale est essentiel pour un plus grand travail mécanique lors du premier tirage et qu'il est important de maximiser la production de puissance maximale au niveau des muscles extenseurs des chevilles, des genous et de la hanche.

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Références

  1. Akkus H. Kinematic analysis of the snatch lift with elite female wieghtlifters during the 2010 World Weightlifting Championship. J Strength Cond Res 26 (4) : 897-905, 2012.

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