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Informations sur les Sciences de l'Entraînement Sportif

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L'immobilisation d'un membre (e.g., suite à un traumatisme) et/ou l'insuffisance de contraintes mécaniques sur celui-ci (e.g., les conditions en apesanteur) entraînent généralement une perte de masse musculaire et une perte de force chez le patient. Cependant, cette perte de volume musculaire et de force est préjudiciable autant pour un athlète que pour une personne sédentaire puisqu'elle ralentira la rééducation du membre blessé. Pour une récupération plus rapide suite à une blessure, il semble important de minimiser ces déficits dès les premiers jours d'immobilisation. Mais comment faire lorsqu'il est impossible de se servir de ce membre en convalescence ?

Attelle pour immobilisation scapulo-humérale

Figure 1. Attelle pour immobilisation scapulo-humérale.

En science de l'entraînement, il existe un phénomène très particulier nommé l'effet controlatéral. Controlatéral signifie que l'effet se produit du côté opposé par rapport au plan sagittal. En entraînement sportif, cet effet est défini comme l'augmentation de la force d'un membre non-entraîné après l'entraînement unilatéral du membre homologue opposé. Selon ce principe, un exercice d'extension du genou droit permettrait l'augmentation de la force musculaire de la cuisse droite ET, dans une certaine mesure, de la cuisse gauche qui n'aurait pourtant subie aucun stimulus mécanique. En fait, l'effet controlatéral induirait des changements au niveau de la plasticité cérébrale, particulièrement au niveau du cortex moteur et du cortex prémoteur, qui laisseraient penser que des changements dans le cerveau sont partagés entre les hémisphères.

Mais quelle sera l'amplitude de ce gain de force pour le membre non-entraîné ? Ce stimulus suffira-t-il à diminuer, voire supprimer, la perte de masse et de force musculaires observées sur ce membre immobilisé ?.

L'étude réalisée

Ce sont autant de questions auxquelles une équipe de chercheurs canadiens a tenté de répondre lors d'une étude publiée en 2010. Pour cela, 25 étudiants (17 femmes et 8 hommes), tous droitiers, ont participé durant 4 semaines à cette étude. Lors du protocole expérimental, ils ont été divisés en 3 groupes :

  • Groupe Immob + Ent (n = 8) : Durant toute la durée de l'étude, les étudiants de ce groupe avaient le bras gauche immobilisé par une attelle pendant 12-14 heures par jour pour empêcher le mouvement de l'articulation scapulo-humérale (Fig. 1). Et 3 fois par semaine, ils effectuaient un entraînement de force du bras droit qui consistait à réaliser 3 à 6 séries de 8 contractions maximales isométriques de 3s, avec un repos de 3s entre les répétitions et de 1 minute entre les séries. Ils exécutaient ce protocole pour 2 exercices : une flexion du coude et une extension du coude, avec le coude fléchi à 90°.
  • Groupe Immob (n = 8) : Durant toute la durée de l'étude, les étudiants de ce groupe avaient le bras gauche immobilisé par une attelle pendant 12-14 heures par jour pour empêcher le mouvement de l'articulation scapulo-humérale (Fig. 1). Ce groupe ne pratiquait aucun entraînement de force pour le bras droit.
  • Groupe Contrôle (n = 9) : Ce groupe n'a eu aucune consigne.

Pour comparer les effets de ce protocole expérimental, tous les participants ont passé plusieurs tests avant et après les 4 semaines qu'ont duré l'étude. Les chercheurs ont évalué :

  • La force maximale volontaire isométrique en flexion et en extension du coude pour les deux bras lorsque le coude est fléchi à 90°.
  • Le volume musclaire du biceps et du triceps brachiaux par ultrasons.
  • L'activité électrique musculaire des bras.

Résultats & Analyses

Les principaux résultats de cette étude montrent qu'un entraînement de force de 4 semaines du bras libre a des effets bénéfiques sur le volume et la force musculaires du bras immobilisé. Concernant le volume musculaire du bras immobilisé (Fig. 2 et 3), les données montrent que le groupe Immob + Ent a eu un gain significatif (+2.2% au niveau du biceps et +3.4% au niveau du triceps) en comparaison au groupe Immob où il est possible d'observer une perte (-2.8% au niveau du biceps et -5.2% au niveau du triceps). Il est cependant difficile d'en tirer des conclusions puisque les résultats pour ces deux groupes ne sont pas significativement différents de ceux du groupe Contrôle. Les raisons peuvent être multiples, un protocole expérimental pas assez long, un échantillon de sujets trop faible, par exemple.

Toutefois, toutes les études qui ont étudiées l'effet controlatéral ont pu observer ce phénomène et d'après les résultats de cette étude, il est possible de supposer que l'effet controlatéral permettrait non seulement de préserver la masse musculaire du membre immobilisé mais permettrait également de l'augmenter légèrement. À noter que l'amplitude de la réponse de cet effet pourrait être conditionnée par le niveau du volume musculaire du sujet avec immobilisation. Un athlète de force possède une masse musculaire plus importante à conserver qu'un sédentaire...

Changement du volume musculaire des triceps brachiaux après 4 semaines d'entraînement unilatéral droit

Figure 3. Changement du volume musculaire du triceps brachial... (Cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Changement du volume musculaire des biceps brachiaux après 4 semaines d'entraînement unilatéral droit

Figure 2. Changement du volume musculaire du biceps brachial... (Cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Concernant la force musculaire du bras immobilisé (Fig. 2 et 3), les données montrent qu'une augmentation significative de la force d'extension du coude de 32% a été observée chez le groupe Immob + Ent, ce qui est significativement supérieur à celle des groupes Immob et Contrôle. Cependant, aucune différence significative n'a été observée pour la force de flexion du coude gauche entre les 3 groupes. Cela peut s'expliquer par un gain en force au niveau du bras droit relativement faible. En effet, les scientifiques considèrent que le gain d'un membre immobilisé serait équivalent à environ 50% du gain du membre entraîné. Or le groupe Immob + Ent a gagné seulement 19% de force au niveau des fléchisseurs du coude, alors que le gain était de 68% au niveau du triceps. De plus, il a été montré que l'effet controlatéral est d'autant plus fort quand la tâche à exécuter n'est pas familière. Plus l'action est complexe, plus elle nécessite un haut niveau de coordination et de recrutement musculaire, et donc un apprentissage moteur plus prononcé.

Les légers gains de force observés chez les groupes Immob et Contrôle sont probablement dus à une meilleure exécution de l'exercice entre les sessions test avant et après du protocole. Et si une diminution de la force de flexion du coude gauche était attendue par les chercheurs chez le groupe Immob, il est probable que la consigne de porter l'attelle au moins 12-14h par jour et de ne pas effectuer d'effort avec le bras gauche n'ait pas forcément été respectée.

Changement de la force d'extension du coude après 4 semaines d'entraînement unilatéral droit

Figure 5. Changement de la force d'extension du coude... (Cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Changement de la force de flexion du coude après 4 semaines d'entraînement unilatéral droit

Figure 4. Changement de la force de flexion du coude... (Cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Enfin, concernant l'activité électrique musculaire de surface, les résultats n'ont montré aucun changement significatif pour les 3 groupes. Cela signifie que l'immobilisation chez des sujets sains n'a aucune influence sur la capacité des muscles à s'activer maximallement. Néanmoins, chez des sujets blessés, d'autres études ont montré une diminution de l'activité électromyographique, ce qui est à terme jouerait sur le maintien du volume et de la force musculaires.

Applications pratiques

Cette étude suggère qu'il est possible d'obtenir des effets bénéfiques d'un entraînement de force d'un membre pour maintenir le volume et la force musculaire de son homologue controlatéral. Même si les gains sont faibles, ils permettent de diminuer voire d'annuler les pertes liées à l'immobilisation. L'intérêt d'un tel entraînement se trouve dans la phase initiale de rééducation, lorsque la mobilité est très limitée ou impossible pour le membre opéré. La perte de volume et force musculaire étant très rapide, il est important de minimiser au plus vite ses effets délétères. Ainsi, un travail de rééducation de la mobilité couplé à un travail de force du membre sain pourrait peut-être améliorer le processus de récupération. Évidemment, quand le membre est de nouveau mobile, un entraînement direct de celui-ci avec une résistance progressive permettra des gains nettement supérieurs.

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Références

  1. Magnus CRA, Barss TS, Lanovaz JL and Farthing JP. Effects of cross-education on the muscle after a period of unilateral limb immobilization using a shoulder sling and swathe. J Appl Physiol 109 : 1887-1894, 2010.

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